Droit Droit commercial

Le fonds de commerce

L’exercice d’une activité commerciale nécessite la mise en œuvre de moyens humains et matériels dans le cadre d’une entreprise.

Avec le développement du commerce, la personne du commerçant qui était le pivot de l’activité commerciale a commencé à perdre du terrain au profit de l’entreprise et des éléments qui la composent. Dans ces conditions, l’entreprise en tant qu’entité indépendante du commerçant va acquérir une valeur économique qui va  lui permettre de faire l’objet de transactions, c’est cette entité distincte qu’on appelle fonds de commerce.

  • Définition du fonds de commerce (FC) :

Le code de commerce de 1996 dans son article 79 définit le F.C de la façon suivante : « Le FC est un bien meuble incorporel constitué par  l’ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales ». et droits qui servent à un commerçant ou à un industriel pour l’exercice de sa profession.

  • Eléments du FC :

Les éléments les plus fréquemment réunis dans un fonds de commerce peuvent être regroupés selon leur caractère corporel ou incorporel.

  • Les éléments corporels :

Les éléments corporels se répartissent en deux catégories principales :

  • Le matériel :

Il comprend l’ensemble de l’outillage du fond, le mobilier, les machines, voitures, chevaux…etc. servant à l’exploitation du commerce.

  • Les marchandises :

Elles constituent la matière même sur laquelle porte le commerce considéré ; elles font partie du FC.

  • Les éléments incorporels :

Ce sont les éléments incorporels qui confèrent au FC l’essentiel de sa valeur. On distingue :

  • La clientèle et l’achalandage :

La clientèle est constituée l’ensemble des personnes qui utilisent habituellement le service d’un commerçant.

L’achalandage est une clientèle occasionnelle ou de passage. Elle est, en fait, liée à la position géographique du F.C. Exemple : une pharmacie placée à côté d’une clinique ou un hôpital a la chance d’attirer plus d’achalandage (patients se rendant aux centres hospitaliers).

En vérité, la clientèle, offerte au libre jeu de la concurrence et on susceptible d’appropriation, ne peut être considéré comme un bien ni, par conséquent comme une composante du fonds de commerce. Elle n’en constitue pas moins un critère d’existence et de transmission de fonds et, sous forme de potentiel de chiffre d’affaire, une valeur accrochée aux signes de reconnaissance et d’attraction du fonds. C’est ce dont on rend compte en l’érigeant juridiquement, par simple simplification conceptuelle, en élément du fonds de commerce.

  • Le nom commercial :

Le nom commercial est le nom sous lequel un commerçant, personne physique ou société commerciale, exploite son commerce.

Lorsque le commerçant est une personne physique, le nom commercial peut être soit un nom patronymique (nom de famille), soit un pseudonymeou même une appellation de fantaisie.

Lorsqu’il s’agit d’une société commerciale, la loi n’autorise que l’utilisation d’une dénomination commerciale, c’est-à-dire un nom commercial issu de l’objet de l’activité. Exemple : Banque Marocaine de commerce Extérieur (BMCE), Omnium Nord Africain (ONA), avec la possibilité pour les sociétés de personnes et les SARL d’ajouter à la dénomination commerciale le nom d’un ou de plusieurs associés.

  • L’enseigne commerciale :

L’enseigne est une inscription, une forme ou une image, apposée sur un immeuble et se rapportant à l’activité qui s’y exerce. C’est un signe extérieur qui permet de distinguer et d’individualiser  l’entreprise commerciale.

L’enseigne peut se présenter sous la forme d’un emblème (symbole, logo). Ex. la silhouette d’un animal, une figure géométrique, une dénomination de fantaisie et parfois même le nom commercial (lion pour les voitures Peugeot, losange pour Renault, cheval brun pour la Banque Poulaire…)

Le nom commercial et l’enseigne constituent, en quelque sorte, le signe de ralliement de la clientèle et représentent par conséquent un élément important du fonds.

  • Le droit au bail :

Le fonds exige des locaux pour son exploitation et le commerçant les détient souvent en qualité de locataire. Or, la prospérité du fonds peut dépendre, dans une large mesure, de la situation qu’il occupe. En revanche, la propriété d’un immeuble ne peut faire partie du FC en raison du caractère mobilier de celui-ci ; si le commerçant est propriétaire de l’immeuble dans lequel il exploite  son fonds, c’est seulement la jouissance  de cet immeuble qui dépend du fonds.

Ainsi s’explique l’intervention des pouvoirs publics en faveur des commerçants en instituant un droit au renouvellement du bail dont ils sont titulaires. Concrètement la situation est la suivante : au terme de son bail, le preneur commerçant ou artisan peut en solliciter la reconduction, auquel cas, le bailleur n’a que le choix de renouveler le bail ou, s’il s’y refuse, d’indemniser le locataire de tout préjudice lui est causé par l’éviction. L’avantage ainsi conféré au commerçant locataire est si fort que la pratique le désigne par une dénomination suggestive : celle de « propriété commerciale ».

  • Les droits de propriété industrielle :

Ces droits sont de création de l’intelligence et confèrent à leur titulaire un monopole. Ils sont réglementés au Maroc par le Dahir du 23 juin 1916. Les principaux droits de propriété industrielle et commerciale sont, en plus du nom commercial et de l’enseigne, les brevets d’invention, les marques de fabrique, les dessins et modèles.

  • Le brevet d’invention :

C’est un certificat délivré par l’OMPIC (Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale) à l’auteur d’une invention susceptible de recevoir une application industrielle.

  • Les marques :

Ce sont des signes distinctifs qui permettent à la clientèle d’identifier et d’individualiser les produits fabriqués par un industriel (marques de fabrique), les produits diffusés par un commerçant, grossiste ou détaillant (marques de commerce), les prestations de services fournies un opérateur Télécom, un hôtelier… (marques  de service).

  • Les dessins et modèles :

Ils sont protégés par la loi pendant une durée de 50 ans à condition d’être déposés à l’OMPIC. C’est le cas, par exemple, pour les dessins imprimés sur tissus, modèles de mobilier, carrosserie de voiture, conditionnement de produit,…etc.

  • La propriété artistique et littéraire :

On assimile à la propriété industrielle, la propriété artistique et littéraire régie par le dahir du 29 juillet 1970. Cette propriété confère aux auteurs le droit d’exploiter commercialement leurs œuvres littéraires et artistiques. Ce droit s’appelle le droit d’auteur.

Les droits de propriété  industrielle ainsi que les droits de propriété littéraire et artistique peuvent  faire partie  du FC et par conséquent de possibilité de cession. Ainsi, dans le cas de la vente d’un FC d’une maison d’édition, les contrats passés avec les auteurs pour la publication de leurs œuvres font partie de la cession.

  • Protection des éléments du FC :
    • Protection du nom commercial :

Une fois inscrit au registre de commerce et publié dans les journaux d’annonces légales, le nom commercial jouit d’une protection particulière. Ainsi il ne peut être utilisé par aucun autre commerçant même s’il porte un nom patronymique identique, celui-ci doit obligatoirement ajouter à ce nom une identification qui doit le distinguer du nom commercial déjà existant.

L’utilisation par un commerçant d’un nom déjà existant ou d’un nom proche, peut donner lieu à des dommages- intérêts par le moyen d’une action en responsabilité particulière appelée action en concurrence déloyale surtout lorsque le nom a une notoriété nationale ou internationale. Par ailleurs, l’utilisation frauduleuse du nom commercial est sanctionné pénalement par un emprisonnement de 3 mois à 3 ans.

Ensuite, contrairement au nom patronyme qui est hors du commerce, le nom commercial peut être cédé avec le fonds. C’est un moyen important pour attirer et retenir la clientèle. Toutefois, en cas de cession ou de succession d’un FC, l’acquéreur du nom commercial devrait le faire précéder ou suivre d’une mention précisant ce fait. Ex. : successeur de …., Anciens établissements de … , Héritiers de ….

Le code de commerce de 1996 a concrétisé la pratique déjà existante du certificat négatif. Tout commerçant doit obtenir un certificat négatif de l’administration pour l’inscription du nom commercial au registre de commerce. Moyen préventif qui permet d’éviter l’utilisation des noms déjà inscrits.

Le certificat négatif est valable pendant une année. Passé ce délai et faute d’une inscription au registre de commerce, le commerçant est obligé de demander le renouvellement, sinon, la radiation est de droit.

D’autre part, l’inutilisation du nom commercial pendant une durée de trois ans fait perdre le privilège attaché à cette inscription et tout intéressé peut demander la radiation.

  • Protection de l’enseigne commerciale :

La protection de l’enseigne est beaucoup moins stricte que celle du nom commercial. Il n’ y a concurrence déloyale que dans le cas où il y a utilisation d’une enseigne identique ou semblable, pour détourner la clientèle.

  • Le droit au bail :

Le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué par les locataires, leurs concessionnaires ou ayants droits, qui ne justifient pas d’une durée minimale de jouissance dans les locaux où ils exploitent leur commerce.

Cette durée est différente selon qu’il s’agit d’un bail écrit (deux années) ou d’un bail oral (quatre ans).

Contrairement au droit commun, le bail commercial ne cesse pas automatiquement à l’expiration du terme établi par les parties, mais il faut obligatoirement un avis de congé donné au moins six mois avant l’expiration du bail.

Normalement, c’est le locataire qui doit demander le renouvellement de son contrat de bail, six mois avant l’expiration du contrat et à tout moment au cours de sa continuation. Dans la pratique, cette prérogative n’est guère usitée. Le locataire ne se manifeste que rarement donnant l’initiative au bailleur. Le silence de ce dernier vaut tacite reconduction  et le bail aura ainsi la même durée que celle prévue par le contrat expiré.

La demande doit être adressée au bailleur en personne. Adressé à son gérant, elle est aussi valable ; et s’il y a plusieurs propriétaires, la demande envoyée à l’un d’eux, vaut à l’égard de tous.

Quand la demande de renouvellement ne comporte pas de changements aux conditions et clauses du précédent bail ; le silence du bailleur vaut tacite reconduction et le contrat est renouvelé pour la même durée que le précédent.

Il se peut aussi que recevant la demande, le bailleur désire des changements dans certaines clauses du contrat. Dans ce cas, il doit, dans un délai de trois mois, adresser au locataire une lettre recommandée avec accusé de réception précisant les nouvelles conditions.

Enfin, le propriétaire peut aussi refuser le renouvellement du bail. Dans tel cas, la loi ‘oblige au versement d’une indemnité d’éviction, au locataire, égale au préjudice subi.

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail, s’il motive son refus par la reprise des lieux pour y habiter personnellement, pour habiter son conjoint, ses descendants et ses descendants ainsi que ceux de son conjoint.

Toutefois, la loi prévoit deux possibilités où le bailleur se trouve libéré du paiement de l’indemnité :

  • Faute grave du locataire: Ex. non paiement ou paiement irrégulier des loyers, abus de jouissance, attitude injurieuse vis-à-vis du bailleur,…
  • Etat d’insalubrité ou état dangereux de l’immeuble
  • Protection de la propriété industrielle et commerciale, de la propriété artistique et littéraire :

La protection de ces  éléments est assurée par leur inscription à L’OMPIC

Les marques garantissent au consommateur l’origine ou la qualité du produit ou du service. Une fois déposées à l’OMPIC, elles jouissent d’une protection pour une durée de 20 ans indéfiniment renouvelable.

Le brevet d’invention confère le monopole d’exploitation de cette invention pendant une durée de 20 ans renouvelable à volonté.

La protection dont jouissent les auteurs s’étend à toute leur vie et se perpétue au profit de leurs ayants droits, 50 ans après la mort de l’auteur.

  • Opérations juridiques portant sur le fonds de commerce :

Faisant partie intégrante du patrimoine du commerçant, le FC confère un son propriétaire un certain nombre de prérogatives Ainsi, il peut céder son FC par la vente de celui-ci ; étant un bien, il peut faire un apport en société ; il peut le louer par e moyen de la location- gérance. Enfin, en cas de besoin de crédit, il peut l’utiliser comme garantie dans le cadre d’un nantissement.

  • La location gérance du FC :

La gérance libre désigne la concession à bail d’un FC à un preneur dit « gérant » ou « locataire gérant » qui l’exploite à ses risques et périls. Elle s’oppose à la gérance salariée qui est un véritable contrat de travail entre le propriétaire du fonds et celui qui l’emploi pour l’exploiter. Dans la gérance salariée, le propriétaire du fonds  fait participer le cas échéant le gérant, simple préposé, aux bénéfices, tandis que le gérant libre s’acquitte seulement d’une redevance, souvent indexée sur le chiffre d’affaire ou le bénéfice.

Le contrat de gérance, publié, dans la quinzaine de sa date au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légale, fait du gérant un commerçant soumis à toutes les obligations qui découlent de cette qualité. Jusqu’à la publication du contrat et pour la période de 6 mois subséquents, le bailleur du fonds – qui se sera fait radier du registre de commerce  ou aura sollicité une inscription modificative – est solidairement responsable avec le gérant des dettes contractées par celui- ci à l’occasion de l’exploitation du FC.

Si la concession du fonds en gérance est de nature à porter préjudice aux créanciers du bailleur, le tribunal du ressort peut déclarer exigibles les créances antérieures nées de l’exploitation dudit fonds. Inversement, la cessation de la gérance rend immédiatement exigibles les dettes d’exploitation nées du gérant libre au cours de sa gérance.

  • La vente du fonds de commerce :

Le FC peut, en principe être vendu librement. Le législateur a cependant jugé utile d’intervenir en raison des caractères particuliers que présente, en pratique, la vente du FC. D’une part, ce bien représente un actif important et il est rare que l’acquéreur en puisse acquitter le prix au comptant ;  il convenait donc de sauvegarder les droits du vendeur. D’autre part, en raison de son importance, le fonds constitue le principal gage des créanciers du commerçant ; il fallait éviter q’un débiteur de mauvaise fois ne vende son fonds, n’encaisse le prix  et ne disparaisse en ne laissant rien à ses créanciers. Enfin, il arrive parfois que le vendeur cherche à tromper l’acheteur sur la valeur réelle du fonds.

Ces dispositions protectrices exigent l’accomplissement de certaines formalités.

  • Conditions de la vente d’un FC :

Il s’agit des conditions de fond, de forme et de publicité. Les conditions de fond sont celles de validité de tout contrat à savoir : la capacité juridique des contractants, leur consentement exempt de tout vice, l’objet et cause licites.

  • Conditions de forme :

La vente du FC doit être constatée par un acte écrit en la forme authentique ou sous seing privé. L’acte doit mentionner :

  • le nom du vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition ;
  • L’état des privilèges et nantissements pris sur le fonds ;
  • S’il y a lieu, le bail, sa durée, sa date, le montant du loyer, le nom et l’adresse du bailleur ;

Ces mentions étant obligatoires, le défaut ou l’inexactitude est sanctionné.

  • Conditions de publicité :

Afin de protéger les tiers, la loi a organisé une publicité qui leur permet d’être au courant de la vente du fonds et faire valoir leurs droits.

Une copie de l’acte de vente doit être déposée dans la quinzaine de sa date au secrétariat greffe du tribunal de première instance dans le ressort duquel est exploité le FC. Un extrait de cet acte doit être inscrit au registre de commerce. Cet extrait est ensuite publié, par les soins du secrétaire greffier dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel. Cette publication doit être renouvelée par l’acquéreur lui- même entre le 8ème et le 15 ème jour après la première insertion.

L’extrait inscrit au registre de commerce et publié, doit contenir les noms, prénoms et domiciles du vendeur et acheteur, la nature et le siège du fons, Le prix stipulé, l’indication et le siège des succursales comprises dans la vente, l’indication du délai fixé pour les oppositions des créanciers (15 jours après la 2ème publication).

  • Protection de l’acquéreur :
    • Obligation de délivrance :

Le vendeur doit transférer la propriété du fonds à l’acquéreur. Ainsi, pour le matériel, l’outillage et les marchandises, il faut la mise en possession de l’acheteur. Pour le droit au bail, il faut que la cession soit notifiée au bailleur. Pour les droits de propriété industrielle, il faut opérer une inscription à l’OMPIC pour faire constater la cession.

  • Obligation de garantie :

L’obligation de garantie du vendeur prend la forme d’une obligation de non concurrence ce qui se traduit généralement  par l’insertion dans le contrat de vente d’une clause de non rétablissement. Il s’agit d’interdire au vendeur soit personnellement, soit sous couvert d’un prête-nom d’une société de détourner à son profit la clientèle qu’il a cédée en exerçant une activité similaire ou concurrente. Cette clause de non rétablissement ne peut produire d’effets que pendant une période bien déterminée et pour un périmètre géographique délimité.

  • Mesures prises en faveur du vendeur :

Le paiement du prix de vente  peut se faire au comptant ou à  crédit. Dans ce dernier cas, les parties ont recours à l’utilisation des effets de commerce.

Pour faciliter les ventes à crédit et garantir le paiement du prix, le dahir de 1996 a conféré au vendeur à crédit deux garanties : d’une part, le privilège spécial qui lui permet d’obtenir le paiement du prix, et d’autre part, une action résolutoire qui lui permet l’annulation de la vente.

  • Le privilège du vendeur :

Ce privilège est généralement mentionné dans l’acte de vente, il doit être inscrit au registre de commerce dans un délai de 15 jours de sa date. Le privilège dûment inscrit confère à son titulaire un droit de préférence et un droit de suite.

  • Le droit de préférence permet au vendeur impayé, de saisir le FC, de le faire vendre aux enchères publiques et de se faire payer par préférence sur le prix de vente.
  • Le droit de suite permet de saisir le FC entre les mains de toute personne, lorsque le fonds ne se trouve plus dans le patrimoine de l’acquéreur par la suite d’une vente ou d’une aliénation à titre gratuit.
    • L’action résolutoire :

Le vendeur impayé peut réclamer la résolution de la vente, c’est-à-dire l’anéantissement avec effet rétroactif du contrat de vente. Cette action résolutoire permet au vendeur de reprendre son FC. Pour être valable, cette action suppose réunir trois conditions :

  • Elle doit être mentionnée expressément dans l’inscription du privilège ;
  • Le vendeur qui exerce l’action résolutoire doit notifier son intention aux créanciers inscrits au registre de commerce. Le jugement prononçant la résolution ne doit intervenir qu’un mois après cette notification ;
  • La résolution est limitée aux seuls éléments sur lesquels porte le privilège. Autrement dit, si le prix stipulé est un prix global pour le tout, la résolution de la vente ne touchera pas les marchandises et le matériel.

En cas de résolution, le vendeur va reprendre son FC et en fonction de la fraction du prix qui a été déjà payée par l’acquéreur, un compte sera établi pour évaluer les sommes que le vendeur doit restituer à l’acquéreur.

  • Mesures prises en faveur des créanciers du vendeur :

Dans les 15jours qui suivent la 2ème insertion de l’acte de vente au journal d’annonces légales, tout créancier du vendeur, même si la créance n’est pas échue, peut faire opposition, par lettre recommandée à la remise du prix au vendeur. En effet, le prix est toujours déposé auprès d’une instance dûment habilitée à recevoir les dépôts.

En outre, si un créancier estime le prix insuffisant, il peut demander la vente aux enchères en se portant premier adjudicataire pour un prix supérieur du sixième à celui figurant dans l’acte.

En cas d’apport du fonds de commerce à une société, les mêmes formalités de publicité sont prévues et les créanciers de l’apporteur se font connaître dans un délai de 15 jours par déclaration au greffe du tribunal : faute par l’un ou plusieurs des associés de former, dans les trente jours de la seconde insertion, une demande en annulation de l’apport ou de la société, celle-ci est tenue solidairement avec l’apporteur du passif ainsi déclaré et justifié.

  • Le nantissement du FC :
    • Notion de nantissement :

 Le fonds de commerce peut faire l’objet de nantissement. Le nantissement est un contrat par lequel le fonds est affecté au paiement d’une dette. Il a pour but de permettre au commerçant d’obtenir des crédits par une mise en gage du fonds à titre de sûreté pour garantir le remboursement du prêt qui lui sera consenti. Toutefois, les fonds de commerce est un meuble, or en matière mobilière, le gage ne se conçoit pas sans dépossession du bien gagé qui est remis au créancier.

L’application des règles civiles du gage au FC ne va pas sans inconvénient puisqu’elle aboutit à la privation du commerçant de la l’exploitation de son FC.  Ainsi le code de commerce prévoit que « le nantissement du FC ne donne pas au créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds en paiement et jusqu’à due concurrence ».

  • Conditions de nantissement :

 La constitution du nantissement obéit à des conditions de fond, de forme et de publicité.

  • Conditions de fonds :

 Le nantissement ne peut porter sur tous les éléments du FC ; il porte sur tous les éléments corporels à l’exception des marchandises et sur tous les éléments incorporels à l’exclusion des créances. Ceci s’explique pour les créances par leur incertitude et pour les marchandises par leur instabilité d’une part et d’autre part, le législateur a voulu laisser au moins une valeur libre aux créanciers chirographaires.

A défaut de désignation expresse et précise dans l’acte qui le constitue, le nantissement ne comprend que le nom commercial, I’ enseigne, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage.

Si le nantissement porte sur un fonds de commerce et ses succursales, celles-ci doivent être désignées par l’indication précise de leur siège.

Normalement, le nantissement est conventionnel. Mais, la loi a prévu, en outre, un nantissement judiciaire. Le créancier d’un commerçant peut ainsi demander en justice, par voie de requête, un nantissement conservatoire « en cas d’urgence et si le recouvrement de la créance semble en péril ». L’opportunité de la mesure est appréciée par le juge.

  • Conditions de forme :

Le nantissement est constaté par un acte  écrit sous la forme notariée ou sous seing privé avec les mêmes mentions exigées par la vente du FC.

L’extrait contient la date de l’acte, les nom, prénom et domicile du propriétaire du fonds et du créancier, l’indication des succursales et du siège des succursales qui peuvent être comprises dans le nantissement.

Cette inscription n’est pas soumise à la publication dans les journaux.

  • Conditions de publicité :

L’acte de nantissement doit être déposé au secrétariat greffe du tribunal de première instance dans le ressort duquel se trouve le fonds dans les 15 jours de sa date à peine de nullité du nantissement. L’inscription conserve le nantissement pendant une durée de 5 ans. A l’expiration de cette durée, l’inscription est périmée et à défaut de renouvellement de l’inscription, le nantissement cesse de produire effet.

  • Effets du nantissement :

 Le nantissement confère à son titulaire les garanties classiques de l’hypothèque, à savoir le droit de préférence et le droit de suite :

  • le droit de préférence :

 Le créancier impayé qui veut poursuivre la réalisation du nantissement, doit dresser au propriétaire du fonds une sommation de payer pour mettre en demeure le débiteur d’acquitter sa dette. Cette sommation peut être faite soit par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire par l’intermédiaire du greffe du tribunal, soit par simple lettre recommandée.

La vente aux enchères publiques ne peut être demandée en justice que 8 jours après la sommation. Lorsque le fonds est vendu aux enchères ou à l’amiable, le créancier nanti a une place privilégiée pour recouvrer sa créance, il passe avant les créanciers chirographaires du propriétaire du fonds. S’il y a plusieurs nantissements sur un même fonds, est préféré celui qui a une inscription antérieure en date. Si le créancier nanti se trouve en concours avec des créanciers privilégiés, on fait application des règles de droit commun, c’est-à-dire qu’on commence par régler la fraction insaisissable des salaires, ensuite les frais de justice, en troisième lieu, la créance sur le trésor, et en quatrième lieu les loyers dus au propriétaire du local, le créancier nanti viendrait donc en cinquième position avant les salaires pour la fraction saisissable et avant la CNSS.

  • le droit de suite :

Ce droit permet au créancier nanti de suivre le fonds de commerce en quelque main qu’il se trouve pour le saisir et le faire vendre aux enchères publiques. Pour assurer la mise en œuvre de ce droit, la loi a prévu un certain nombre de prescriptions dont le but est concilier les intérêts du créancier nanti et les intérêts du créancier du fonds.

La loi oblige tout d’abord l’acquéreur à offrir en priorité le prix de vente aux créanciers nantis et de ne verser que le reliquat au propriétaire du fonds. S’il ne le fait pas, il s’expose aux poursuites des créanciers et risque ainsi de perdre le fonds qu’il a acquis.

En deuxième lieu, pour empêcher les ventes factices et les dissimulations de prix, il est permis à tout créancier nanti de  faire une surenchère de 1/10, c’est-à-dire qu’il a la possibilité de requérir la mise aux enchères publiques du fonds en offrant de payer le prix des éléments incorporels augmenté de 1/10.

En troisième lieu, il faut avoir présent à l’esprit que le nantissement est un gage sans dépossession, le commerçant qui conserve l’exploitation de son fonds pourrait être ainsi amené à faire des actes ayant pour conséquence de diminuer la valeur du fonds et partant de diminuer la garantie des créanciers lorsque le commerçant déplace son fonds d’un endroit à un autre ou vend séparément un ou plusieurs éléments du fonds ou qu’il résilie son bail.

  • Cas de déplacement du fonds:

Malgré l’existence d’un nantissement sur le fonds, le commerçant garde l’entière liberté de choisir un autre endroit pour continuer l’exploitation de son fonds. Dans ce cas, le propriétaire du fonds a l’obligation de faire connaître aux créanciers dans les 15 jours avant le déplacement son intention et de leur indiquer le nouveau siège qu’il entend lui donner. Si cette notification est faite régulièrement, les créanciers nantis disposent d’un délai de 15 jours pour modifier leur inscription originaire ou pour prendre une inscription nouvelle au secrétariat du tribunal dans le ressort duquel le siège a été transféré. A défaut de cette inscription, les créanciers risquent de perdre leur privilège.

Si le propriétaire du fonds ne fait pas connaître aux créanciers inscrits ses intentions, les créances inscrites deviennent immédiatement exigibles, et en conséquence de cette déchéance du terme, les créanciers peuvent faire vendre le F.C. Aussi, si le fonds a été déplacé sans le consentement des créanciers et s’il résulte de ce déplacement une dépréciation du fonds, les créanciers nantis peuvent demander au tribunal de déclarer que leurs créances sont devenues exigibles.

  • Cas de vente séparée d’un ou plusieurs éléments du fonds :

Si le propriétaire vend un ou plusieurs éléments de ce fonds, il sera coupable de délit de détournement d’objet gagé (qui est un délit pénal puni d’emprisonnement et d’amende). Si cette vente est poursuivie par un créancier du commerçant, les créanciers nantis sont autorisés à demander au tribunal la vente globale du fonds.

  • Cas de résiliation du bail :

Dans ce cas, les créanciers nantis risquent de perdre leur droit surtout lorsque la situation du fonds est un élément important de sa valeur, c’est pourquoi le code de commerce oblige le propriétaire du local dans lequel est exploité le fonds selon que c’est l’un ou l’autre qui demande la résiliation. Cette notification a pour conséquence de permettre aux créanciers pendant le délai du mois d’éviter la résiliation en offrant, par exemple, de payer les loyers à la place du commerçant locataire si le non paiement du loyer est la cause de la demande de résiliation.

  • Le nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement :

Cette sûreté mobilière sans dépossession a été instituée pour faciliter la modernisation du matériel d’équipement professionnel par l’achat à crédit. Ce nantissement est prévu au profit des vendeurs à crédit ou des prêteurs qui avancent les fonds nécessaires à l’achat de l’outillage et du matériel d’équipement, pour la garantie du prix d’acquisition. Si des effets de commerce sont souscrits à cette occasion, le bénéfice du nantissement est, à certaines conditions, transmis de plein droit aux porteurs de l’effet.

  • Conditions de nantissement :

Ce nantissement requiert, pour sa constitution, la rédaction d’un acte écrit authentique ou sous seing privé intervenant au plus tard dans le mois de la livraison du matériel et une inscription prise dans les 20 jours de sa date sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal dans le ressort duquel les biens nantis sont  exploité et , le cas échéant, au registre de commerce.

  • Effets du nantissement :

L’inscription qui garantit le paiement du principal et de  deux années d’intérêt, conserve le privilège pendant cinq ans à compter de sa régularisation définitive ; elle est renouvelable une fois pour la même durée. S’il n’est pas payé, le créancier nanti sur du matériel ou de l’outillage industriel peut faire vendre le matériel grevé après s’y être fait autoriser par le juge des référés compétent. Son privilège est opposable à la faillite  et à la liquidation judiciaire des biens si l’inscription a eu lieu avant le jugement déclaratif. Ce privilège prime celui du trésor, le privilège de la CNSS et des caisses de crédits agricoles et ceux des créanciers inscrits sur le F.C., si le nantissement leur a été signifié. En revanche, le privilège du créancier nanti sur le matériel est primé par celui des salariés ainsi que les frais de justice et de conservation de la chose.

A la différence du créancier nanti sur le FC, le créancier nanti sur le matériel d’équipement professionnel n’a pas de droit de suite, mais en cas de déplacement clandestin des objets nantis, les créances garanties deviennent de plein droit exigibles et un délit pénal sanctionne toute altération ou dissimulation des biens donnés en garantie.

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