Economie du maroc

Le Secteur Informel

Introduction

Le phénomène du secteur informel, largement répandu dans le monde entier, est devenu très important dans les pays du Tiers monde notamment le Maroc. Dans certains cas, il constitue la plus grande source de travail. Toutefois il existe également dans les pays industrialisés où, tout comme dans les pays pauvres, la récession et l’application de politiques d’ajustement structurel à partir des années 1970 ont donné pour résultat une croissance du chômage. Les travailleurs et les travailleuses cherchent dès lors des emplois indépendants ou clandestins afin de s’assurer un revenu pour survivre.

Il est admis, de nos jours, que les activités du secteur informel dans les villes marocaines occupent une Place importante dans la création d’emplois, l’acquisition des qualifications, la distribution des revenus et les Modes de produire et de consommer. Ces activités produisent des biens et services pour des populations à faibles revenus, dans l’impossibilité d’accéder aux services ou aux formes de redistributions étatiques. Dans les villes du Maroc, le nombre élevé de petits métiers et d’activités de rue qui se développent frappe souvent L’observateur… Des artisans concentrés dans des quartiers par métiers dans les médinas, des transporteurs, Des petits ateliers de réparation auto, de plomberie, des maçons, des femmes de ménages, marchands Ambulants etc. Ces activités jouent un rôle important dans le fonctionnement économique mais aussi dans la Régulation sociale du pays.

Au Maroc, les estimations du secteur informel varient selon les définitions, le champ retenu par les Enquêtes et les hypothèses à la base de telles estimations Selon la dernière enquête, il occupe 39,0 % de L’emploi non agricole. L’existence du secteur informel, son ampleur et sa complexité, sont à resituer dans la Longue durée de la société marocaine en tant que dynamique induite à la fois par le mode de développement Que par les dynamiques endogènes.

  • Pourquoi parler du secteur informel?

En premier lieu, à cause de ses dimensions: il s’agit d’un secteur énorme, englobant des millions de travailleurs, et qui est en croissance. En outre, c’est un secteur largement négligé par les syndicats, et aussi, la plupart du temps, par les gouvernements. Ces millions de travailleurs, ce sont des marginaux et des exclus de la société de travail.

Or, si nous avons le souci, dans le contexte de la globalisation, de changer les rapports de force au niveau mondial, c’est à dire de les rendre plus favorables au mouvement ouvrier, de récupérer le terrain perdu, l’organisation du secteur informel doit être une de nos priorités.

Il y a là un enjeu social et un enjeu politique. Le mouvement syndical basé sur le secteur formel – réglementé – rétrécit et continuera à s’affaiblir s’il n’arrive pas à organiser le secteur informel, c’est à dire d’empêcher que le patronat puisse le contourner par le secteur informel: il faut donc occuper le terrain.

Ensuite, il y a une théorie élaborée par des économistes néo-libéraux, un peu romantique, qui idéalise le secteur informel et cherche à faire de nécessité vertu: selon cette théorie, le secteur informel apporterait une solution au chômage, ou au non emploi, par la création de micro entreprises par des centaines de milliers, sinon des millions, de micro capitalistes. Evidemment: dans une société de libre marché parfaite, où les relations de travail seraient entièrement déréglementés et tous les contrats de travail seraient individuels, le secteur informel engloberait l’ensemble de l’économie. Et il n’y aurait, bien entendu, pas de syndicats.

Ce fantasme n’a évidemment aucun rapport à ce qui arrive dans le monde réel. Loin d’être un premier pas vers une amélioration de leur situation, voire vers une modeste prospérité, le travail dans le secteur informel est une stratégie de survie , et reste précaire, fragile, marginal et misérable. Ce n’est en tout cas pas une alternative à une politique de l’emploi, et si les conditions de travail peuvent être améliorées, c’est par l’organisation, et pas par la magie d’un processus automatique.

  1. Définitions et Caractéristiques du secteur informel :
  • Définition du secteur informel

 Depuis que l’Organisation internationale du Travail a publié son rapport sur la situation de l’emploi au Ghana et au Kenya en 1972, identifiant pour la première fois un type d’activité de travail qui ne correspondait ni aux activités du secteur “traditionnel” ni à celles du secteur “moderne” de l’économie, nombre d’études et de travaux ont vu le jour sur ce que l’OIT a appelé le secteur non structuré de l’économie. Ces études n’ont pas permis d’arriver à un consensus, ni sur la manière d’appeler ce phénomène, ni sur la manière de le définir.

Nous avons optés pour le terme secteur informel, plus connu parmi les divers noms utilisés (secteur informel, secteur marginal, économie informelle, secteur non réglé de l’économie…), tout en précisant qu’il n’est pas  en tous points satisfaisant.

Pour ce qui est des définitions,  il en existe autant que d’études sur ce secteur. La majorité sont des généralisations faites à partir de ce qu’est le “formel” et désignent un phénomène qui n’est pas une réalité homogène. D’un autre côté, il s’agit de définitions négatives, c’est-à-dire qu’elles définissent ce “que n’est pas le secteur informel”. Il est très difficile par ailleurs d’obtenir une définition synthétique, puisque certaines se contredisent.  Cependant, il semblerait que chaque définition réponde dans une certaine mesure à une des perspectives suivantes :

  1. sa logique de la production du SI

 Cette perspective considère que l’élément fondamental du secteur informel est sa logique de production, selon laquelle l’objectif principal de l’activité est de garantir la survie du groupe familial. Cette logique est différente de celle du secteur “formel” de l’économie dont l’objectif est l’accumulation.

Le secteur informel surgit donc d’une part de l’existence d’un “surplus” de main-d’œuvre qui ne trouve pas de place dans le secteur formel : des hommes et femmes restent à l’écart du secteur moderne urbain; et d’autre part, de la distribution inéquitable des ressources et de la pauvreté que celle-ci engendre.

  1. son caractère non légal

 Selon cette perspective, la principale caractéristique du secteur informel est son caractère non légal, autour duquel se définissent toutes ses autres caractéristiques. L’informel est dit non légal parce qu’il ne respecte ni les règlements fiscaux (il échappe à toute imposition), ni ceux du travail (heures supplémentaires, salaire minimum, sécurité et hygiène….), ni les autres lois à caractère social (sécurité sociale, pension…).

Dans cette perspective de non – légalité, le secteur informel ne surgit pas de raisons structurelles mais de l’existence d’un système fiscal défectueux ainsi que de normes et de lois “inappropriées”. C’est ainsi que certaines études récentes à claire tendance néo – libérale, soutiennent que les lois doivent refléter le contexte présent et concluent que le dérèglement des marchés et la présence réduite de l’Etat permettront l’intégration du SI au secteur formel de l’économie.

  1. la récente évolution de l’organisation du travail

 Selon cette perspective, le secteur informel est le résultat de l’émergence de nouvelles formes d’organisation du travail qui amènent une nouvelle division du travail.

Cependant, l’émergence de nouvelles formes d’organisation du travail affecte tant le travail dans le secteur informel que celui du secteur formel. On peut donc très difficilement trouver des justifications dans le premier.

Donc le concept du secteur informel est une chose complexe et relève le plus souvent du centre d’intérêt de chacun. En général, on le définit comme l’ensemble des activités économiques qui se réalisent en marge de la législation pénale, sociale et fiscale; ou comme l’ensemble des activités qui échappent à toute politique économique et sociale, et donc à toute régulation de l’Etat.

Le secteur informel peut se définir également comme un ensemble d’unités économiques produisant des biens et des services en vue de créer principalement des emplois et des revenus travaillant à petite échelle, avec un faible niveau d’organisation et une faible division entre travail et capital, des relations de travail recouvrant des relations de parenté, des relations personnelles, souvent occasionnées et garanties.

Cependant le Global Labour Institut ne partage pas cette idée qu’il trouve trop idéaliste. Il considère les activités informelles avec condescendance, selon lui ce secteur ne constitue en aucun cas une alternative de politique d’emploi.

Dans tous les cas ces activités périphériques sont des caractéristiques essentielles du tiers-monde, aussi la meilleure définition qu’on pourrait en donner serait celle de les considérer comme un prolongement de la loi économique traditionnelle dans un environnement sociologique marqué par de très profondes mutations.

Il convient de souligner que l’expression «secteur informel» ne comprend pas l’économie «dissimulée» ou «souterraine».

En effet, il faut bien faire la distinction entre les activités qui, parce qu’elles génèrent de faibles revenus, ne peuvent pas s’offrir le luxe de la légalité et celles qui, bien que rentables, enfreignent délibérément la réglementation afin de se soustraire au paiement des impôts ou à la loi du pays.

Pour le BIT, ces dernières activités ne font pas partie du secteur informel, car elles ne sont généralement pas liées aux stratégies de survie des populations pauvres.

C’est aussi pour cette raison qu’il faut éviter d’utiliser l’expression «secteur informel» à propos des activités délictueuses et socialement répréhensibles telles que le trafic de stupéfiants ou la prostitution.

  • Les caractéristiques du secteur informel

Après une étude réalisée sur les activités informelles au Kenya en 1972, le B.I.T. en donne les caractéristiques suivantes, susceptibles d’appartenir à l’ensemble de celles-ci. Ceci étant, Ces caractéristiques peuvent être résumées de la manière suivante:

  • La facilité d’accès aux métiers;
  • Le recours aux ressources locales;
  • La propriété familiale de l’entreprise;
  • L’échelle restreinte d’opérations;
  • L’utilisation des techniques à forte intensité de main d’œuvre et adaptation au milieu;
  • L’acquisition des qualifications en dehors du système scolaire officiel;
  • La facilité d’opérer sur des marchés non réglementés mais ouverts et compétitifs

Sur base de la complexité des activités de ce secteur et d’autres études à travers le monde, d’autres caractéristiques et critères se sont ajoutés. Signalons ici

  • ne pas bénéficier d’un crédit bancaire;
  • présenter un caractère provisoire ou ambulant;
  • se contenter des investissements faibles;
  • ne pas tenir de comptabilité;
  • ne pas inscrire le personnel à la caisse de la sécurité sociale;
  • avoir un horaire de travail irrégulier;
  • ne pas avoir de statut juridique, etc.
  1. Caractéristiques générales

S’il n’y a pas de consensus sur la définition du secteur informel, les chercheurs semblent être d’accord sur les particularités de ce secteur généralement constitué de petites entreprises dans lesquelles travaillent un maximum de 10 travailleurs. Dans de nombreux cas, il s’agit d’entreprises familiales dans lesquelles les femmes offrent leur main-d’œuvre sans percevoir de salaire et où les bénéfices sont contrôlés par le mari ou l’homme de la maison.

D’autre part, dans ces activités, on utilise les ressources les plus disponibles, c’est-à-dire les ressources locales. On y privilégie de même l’usage intensif de la main-d’œuvre plutôt que de recourir à des technologies plus coûteuses.

Ces activités sont relativement “invisibles”. D’une part, elles ne sont soumises à aucun type de réglementation. D’autre part, elles ne sont pas comptabilisées dans l’économie nationale.

Il y a de même consensus pour ne pas considérer les activités domestiques ou reproductives comme propres au SI. Les activités délictueuses ou criminelles ne sont pas non plus considérées comme faisant partie de ce secteur.

  1. Types d’activités du SI

En analysant le type d’activités réalisées dans le cadre du SI, on peut percevoir comment s’exprime, ici aussi la division des rôles : les femmes réalisent les activités intensives en main-d’œuvre, moins rémunérées ou qui sont assimilées aux activités reproductives.

Dans le secteur des services, les femmes exercent généralement les métiers de vendeuses, de petites commerçantes, de femmes de chambre, de coiffeuses, de blanchisseuses, de personnel de service domestique… Les hommes travaillent essentiellement dans le transport qui peut être mieux rémunéré.

Dans le secteur de production manufacturière, les femmes sont minoritaires tandis qu»elles sont nombreuses a travailler à domicile, fabriquant des vêtements, des produits alimentaires, etc… ou a travailler en sous-traitance dans de petites entreprises ou des ateliers.

Dans le secteur agricole, la participation des femmes est très importante. Elles peuvent même y devenir majoritaires comme dans certains pays africains, où elles combinent les activités d’autres secteurs comme la vente et la transformation artisanale avec les travaux agricoles. Dans d’autres pays, les femmes réalisent surtout les travaux saisonniers extrêmement instables. Les contrats y sont de durée limitée à un mois ou même à un seul jour.

La migration vers les villes, provoquée par le manque de possibilités d’emploi, place les femmes dans une situation plus difficile encore, car quand les hommes s’en vont, elles doivent combiner leurs multiples tâches reproductives avec la culture des terres et la réalisation d’activités informelles complémentaires. De même, lorsque ce sont elles qui partent, ce sont les activités “informelles” qui leur permettent de faire face aux besoins de leurs familles et ce, dans l’ambiance généralement hostile des grandes villes.

  1. Aspects positifs et aspects négatifs du secteur informel
  • Les aspects positifs

Permet d’enrayer la pauvreté ;Comme elles constituent l’unique option de travail pour de nombreuses personnes, ces activités du SI assurent la survie et freinent les effets de la pauvreté engendrée par l’incapacité du secteur formel à créer des emplois.  Pour les femmes, surtout lorsqu’elles sont chefs de famille, les activités du SI assurent ainsi leur survie propre mais aussi celle de leur famille.

Accès facile au SI ;N’importe qui peut entamer une activité du SI, entre autres parce qu’il s’agit d’activités qui ne requièrent pas une formation élevée, souvent refusée aux femmes par les parents qui préfèrent éduquer les fils. D’autre part, le SI permet d’acquérir les connaissances nécessaires à l’exercice de ces activités par leurs pratiques mêmes.  Autre raison pour laquelle les femmes accèdent facilement au SI : dans beaucoup d’activités, il n’est pas besoin de capitaux de départ importants, contrairement à la mise en oeuvre d’activités dans le  secteur formel. Or, les femmes n’ont pas un accès facile au crédit et le travail qu’elles réalisent normalement (domestique) ne leur apportent pas un salaire qui leur permet d’épargner.

Rôle social du SI ;Certains auteurs soulignent le rôle social joué par le secteur informel : d’une part, il assure un emploi et un revenu et d’autre part, il constitue un facteur d’intégration et de solidarité qui ne cesse d’être lié à sa logique productive de survie.  Dans le monde entier, les femmes font preuve de créativité pour développer des stratégies de survie basées sur la solidarité.  En Amérique latine par exemple, l’expérience de cuisines collectives qui, au départ, était une réponse au besoin des femmes de concilier l’alimentation de leurs enfants avec les horaires de travail rémunéré, s’est convertie avec le temps en espaces de solidarité dans lesquels se dispensent des cours d’alphabétisation, de calcul… et d’autres formations.

 

Compatibilité avec le travail reproductif ;On l’a évoqué, le travail du SI fournit aux femmes des activités à horaires flexibles leur permettant d’assumer par ailleurs le travail reproductif, qui continue à être considéré comme un travail qu’elles doivent accomplir seules.

–          les aspects négatifs

Barrières financières ;Dans de nombreux cas, les personnes qui entament des activités de SI ne disposent pas des garanties que demandent les banques pour octroyer un prêt; ce qui oblige à recourir au crédit informel qui exige des intérêts beaucoup plus élevés.  Cependant il existe des exceptions : par exemple des femmes africaines ont inventé une méthode d’épargne pour pouvoir entamer une activité informelle ou faire face à d’autres nécessités comme les mariages, les baptêmes, les enterrements, etc. Il s’agit de “tontines”. Comment fonctionnent ces “tontines” ? Un groupe de femmes se réunit. Chacune apporte une somme d’argent déterminée. Lors de chaque réunion et à tour de rôle, la totalité de l’argent ainsi réuni est octroyée à l’une des participantes qui peut l’utiliser pour ce dont elle a besoin.

Barrières non financières ;Il peut s’agir de difficultés liées au manque d’information ou à l’existence de règles déterminées qui entravent l’entrée dans un secteur d’activité comme par exemple, l’obtention d’un permis de conduire, les activités réservées à une caste (comme le travail métallurgique en Afrique), à une ethnie (comme les imprimeurs Betawi à Jakarta) ou encore à une religion.

Conditions de travail ;Le SI se caractérise par le non respect ou par la non application ou simplement par l’absence de normes de travail relatives au salaire minimum, aux horaires de travail, à la sécurité, et d’autres normes sociales en rapport avec le système de santé, de retraite, etc.

Double journée de travail ;Pour différentes raisons, les femmes assument des tâches propres au travail productif, mais en ce faisant, elles ne cessent pas d’être les responsables exclusives du travail reproductif; ceci entraîne une double charge de travail qui se reflète dans la longueur de journée de travail des femmes. N’est-ce d’ailleurs pas aussi le cas de nombreuses femmes qui exercent un métier dans le secteur formel?

            Soins aux enfants ;Pour les femmes qui travaillent comme vendeuses ambulantes ou dans des postes situés à l’extérieur, il est très difficile de concilier le travail avec le soin des enfants, qui grandissent et se développent dès lors dans un milieu généralement hostile, comme celui de la rue.

Peu d’organisation syndicale des travailleuses ;Les femmes sont la force de travail majoritaire dans le secteur informel, mais elles sont les moins représentées dans l’organisations syndicales. De ce fait, elles se trouvent dans une situation de précarité. En effet, elles n’ont pas la possibilité de défendre leurs droits ni de négocier de meilleures conditions de travail.

  • Relations entre secteur informel et secteur formel
  1. Relations de complémentarité

La perspective qui considère que la caractéristique principale du SI est son caractère non légal et que ce secteur surgit comme réponse à l’existence de lois et de normes non appropriées justifie les relations de complémentarité entre le SF (secteur formel) et le SI comme résultante de la dérégulation. On assiste en effet à une “formalisation” de la production (destinée à être commercialisée sur le marché national ou mondial des grandes entreprises) et à une “informatisation” de l’organisation du travail où les normes dites “excessives” sont ignorées. Les normes protectrices des travailleurs y sont généralement incluses. Les contrats et les horaires sont plus flexibles et le travail en sous-traitance dans de petites entreprises ou à domicile augmente. Cette “informatisation” débouche sur une augmentation de la précarisation de l’emploi et la “perte de protection” des travailleurs et des travailleuses.

 

Mis ainsi en relation, les deux secteurs se complètent mais ne s’intègrent pas : la logique productive de survie continue à être celle des travailleurs et travailleuses tandis que les chefs d’entreprises conservent la logique d’accumulation de bénéfices.

Dans ce contexte, les patrons préfèrent les femmes travailleuses pour réaliser les travaux précaires. A leurs yeux, elles sont plus soumises, craintives, résistantes au travail prolongé et moins portées à s’organiser pour défendre leurs droits.

Un exemple parlant de “l’informatisation” du travail, réside dans les maquiladoras : entreprises de confection textile situées généralement dans les zones franches où l’on produit des vêtements qui sont ensuite commercialisés dans le monde entier et sous la griffe des marques prestigieuses.

Ces marques ne se sentent pas responsables des conditions de travail précaires des femmes qui n’ont aucun type de protection salariale, qui sont forcées de travailler pendant 12 heures par jour, que l’on enferme la nuit dans les ateliers, qui souffrent de harcèlement sexuel, de qui on se débarrasse en cas de grossesse, que l’on fait travailler dans des conditions dangereuses et dans des locaux qui n’ont pas l’infrastructure adéquate (2 toilettes pour 1000 travailleuses et 10 minutes de pause par jour, par exemple).

Tout cela avec la complicité de gouvernements “tiers-mondistes” qui osent prétendre que leur avantage comparatif dans le marché global réside dans ce qui constitue l’exploitation presque esclavagiste des travailleurs et des travailleuses.

 

  1. Relations d’intégration

Dans le but d’éviter les problèmes du non – légalité, quelques entreprises du SI intègrent certains éléments du secteur formel, comme par exemple l’incorporation et l’application de quelques normes fondamentales du travail.

III.    Croissance du SI \ Conséquences de l’économie informelle

  • Evolution du secteur informel : donnée quantitatives.

l’emploi informel joue un rôle qui peut aider à trouver  une solution à la chute de l’emploi et du chômage dans le secteur moderne. Le secteur informel constituerait une source importante en termes de revenus. Regardé négativement, durant les années 1960 et 1970, celui-ci est considéré à présent comme le ferment du développement. Il se présenterait comme substitut à l’emploi formel dans un contexte de crise. Dans le cas du Maroc, l’évolution de l’emploi dans le secteur informel conduit à nuancer cette analyse. Ce qui le spécifie, c’est une dynamique d’expansion, de saturation, de prolifération et la mise au travail de catégories vulnérables.

le secteur informel occupe une place tout à fait significative .Elle met ainsi en évidence que dans les trois branches retenues (Industrie, Commerce et Services), « l’emploi non structuré » représente plus de 25 % de l’emploi total. Par ailleurs, elle met en lumière les différences de structure de l’emploi entre formel et informel, en démontrant que les activités du secteur informel sont majoritairement réalisées par des indépendants, employeurs ou associés (53,7 % contre 20,7 % pour le secteur formel) alors que les salariés ne contribuent qu’à raison de 30 % de l’emploi total (contre 65,2 % pour le secteur formel). L’activité informelle est donc majoritairement une activité autonome. Elle

comporte également un certain nombre d’apprentis (4,4 % selon l’enquête), mais il semblerait, selon toutes les études existantes à ce sujet, que leur effectif dans les ateliers d’artisanat et de réparation ait été largement sous-estimé, et qu’il y représenterait environ un tiers des personnes occupées.

– une progression annuelle de 7 % du nombre d’unités informelles,

  • une progression annuelle de 8 % du nombre d’actifs occupés dans le secteur.

On peut déduire  que le secteur informel représente dans l’économie globale marocaine a été en forte augmentation au cours de la période séparant les deux enquêtes et, par extrapolation, sur l’ensemble de la décennie des années 1990.

  • Catégories d’activités.

le trinôme d’activités relevant de  l’économie informelle en l’occurrence:” le secteur primaire, secondaire et tertiaire”.

  1. Secteur primaire

 définition:

Le secteur primaire est celui qui comprend les activités proches de la nature. Il est constitué des activités économiques productrices de matières premières, notamment l’agriculture, la pêche et les mines.

le rôle effectif joué par le secteur en tant que contributeur à la richesse et à l’emploi national. Elle rend également compte de la relation qui existe entre les niveaux de sortie du système national d’éducation et de formation, et les niveaux et types d’emploi occupés.

  1. Secteur secondaire

Le secteur secondaire comprend l’ensemble d’activités économiques correspondant à la transformation des matières premières en produits finis ou en bien de consommation. Nous sommes donc devant un secteur qui a notamment pour mission à partir de la transformation chimique ou mécanique d’un produit ancien ou de la combinaison des produits anciens de créer un ou de nouveaux produits.

Nous pouvons d’une part citer les industries de transformation de matières premières en bien de production caractérisé par la présence de petits ateliers artisanaux, boulangerie, imprimerie etc.

D’autre part, considérant les micro-industries de transformation des matières premières en bien de consommation, il est constamment fait allusion aux activités relatives à la fabrication des savons, des huiles, des farines, peinture etc.

Le volume de production de ce secteur a grandement augmenté, croissance essentiellement due à la production des boulangeries, des industries de boissons et de bois.

  1. Secteur tertiaire

Le secteur des services est resté le seul à avoir connu une nette progression. Le dynamisme des activités du secteur s’explique par une dualité encore plus accentuée de l’économie marocaine, les chômeurs ne trouvant que le secteur informel comme unique voie de sortie face à la spirale d’accentuation de la pauvreté.

Ce secteur est constitué par les activités produisant des services tels que le commerce, le transport, les banques, les assurances, l’hôtellerie, le secteur de la santé et les autres services sous toutes leurs formes.

Parlant du commerce, il est constitué de petites activités généralement situées en dehors des frontières de l’activité économique orthodoxe dans la mesure où bien que constitué par des activités ordinaires et licites ; leur exercice bien que sous le soleil brûlant est considéré illégale du fait de leur non enregistrement.

Ce non enregistrement nous le pensons, tient moins à une volonté négative d’échapper au corpus jure en vigueur qu’à une incapacité de l’Etat et de son administration à faire appliquer des sanctions profondément inadaptée.

Nous constatons ainsi la floraison et l’exercice en dehors de toute réglementation de petites activités : vente en détail de différents biens de consommation(biscuit, bombons, produits pétroliers etc.) auxquelles nous ôtons le caractère in fractionnel parce que justifié par l’état de nécessité qui conduit leurs auteurs à les exercer.

Concernant le transport dont le rôle est notamment d’assurer les mouvements des personnes, des biens ainsi que des produits etc. pour ne parler que du transport routier, les véhicules qui y œuvrent sont généralement en mauvais état et le confort des passagers n’est pas toujours garanti. Le coût exorbitant des consommables ainsi que le prix prohibitif de légalisation de documents handicapent le développement de ce secteur contraint d’évoluer dans l’informel.

  • Conséquences de SI.
  1. Au plan fiscal.

Priver les pouvoirs publics de revenus importants est l’un des conséquences les plus frappantes de l’économie informelle.

En effet, il est évident que l’activité informelle donne naissance à une évasion fiscale généralisée, le mépris des lois. Ceci sape la légitimité de l’Etat et la morale politique et contribue à la baisse de l’efficacité de l’action administrative. Lorsque dans un pays, le secteur formel est plus développé que le secteur informel, cela dénote sinon la faillite de l’Etat, du moins son incapacité à assurer la promotion des activités économiques et donc le développement du pays.

  1. Au plan économique.

L’informel a sur le plan économique conduit entre autre au développement du marché de change non officiel avec son corollaire le non rapatriement des devises provenant des activités d’exploitation frauduleuse, la thésaurisation, l’inaccessibilité au système bancaire pour la distribution de crédit à l’économie, la non-maîtrise de stocks de production qui conduit à la fixation de prix fantaisistes. Tout ceci, contribuant au dérèglement des fondations de l’économie nationale

  • Expansion de micro entreprises

Répartition des micro-entreprises selon la date de création et le secteur d’activité

secteur
industrie commerce bâtiment services
Avant 1956 %ligne

%colonne

23.2

4.1

52.5

3.0

3.03.3

2.0

20.4

1.4

1956-59 %ligne

%colonne

28.4

3.7

36.2

1.5

36.2

1.7

31.6

1.6

1960-69 %ligne

%colonne

19.5

7.5

37.4

4.7

4.4

6.0

38.7

5.7

1970-79 %ligne

%colonne

15.5

12.6

40.9

10.9

5.4

15.3

38.2

11.9

1980-89 %ligne

%colonne

18.0

36.5

42.4

28.3

5.5

39.0

34.2

26.7

1990-97 %ligne

%colonne

10.5

35.6

46.2

51.5

3.0

36.0

40.3

52.7

total %ligne

%colonne

14.4

100.00

44.0

100.0

4.1

100.0

37.5

100.0

                                                        Source : Direction de l’emploi, Enquête Nationale sur le secteur informel localisé en milieu urbain, 1999, p. 57.

  • Expansion de l’auto emploi

La montée des travailleurs indépendants et de l’auto emploi qui demeure une composante essentielle du travail informel. Souvent lié à un impératif de survie, il constitue la forme dominante de création d’emploi dans le secteur informel. 69 % des actifs occupés sont des indépendants ou travaillent à compte propre. Celui-ci peut être exercé d’une manière permanente ou irrégulière et touche généralement les ménages exposés à l’irrégularité des revenus. Les petits vendeurs ambulants, cireurs de chaussures, gardiens de parkings sont par excellence la figure de l’auto emploi.

Actifs occupés informels selon le statut professionnel et le milieu de résidence

 

Statut professionnel

Milieu de résidence
urbain rural Ensemble
effectif % effectif % effectif %
Auto-emploi

Indépendants

Employeurs informels

937240

799155

138085

67.8

57.8

10.0

375631

343844

31787

72.4

66.3

6.1

1312871

1142999

169872

69.0

60.1

9.9

Salariés 260074 18.8 59980 11.6 320054 16.8
Non salariés

Apprentis

Aides familiales

Personnes à statut imprécis

185731

47007

123299

15425

13.4

3.4

8.9

1.1

83291

7541

74833

917

16.0

1.5

14.4

0.1

269022

54548

198132

16342

14.2

2.9

10.4

0.9

Total 1383045 100.00 518902 100 1901947 100

DS-ENSI 1999/2000 p. 130

  1. Au plan social.

Malgré les avantages que peut procurer l’économie informelle congolaise notamment pour la survie disent certains auteurs par le fait de pallier les carences de l’économie officielle en matière de distribution d’emplois et de salaires ! Mais quel emploi ? Emplois précaires et salaires de misère, l’économie informelle comporte de nombreux inconvénients au plan des droits humains([63]). Les pratiques informelles énervent le principe à la fois général et constitutionnel de l’égalité des citoyens devant la loi. Sous l’angle strictement fiscal les acteurs de l’économie informelle sont source d’injustice et d’inégalité de traitement dans la mesure où ils échappent à l’imposition et obligent les agents économiques formels déjà victime de concurrence déloyale à supporter un fardeau fiscal additionnel.

Cette économie emploie ou mieux exploite les enfants, les privant ipso facto de l’éducation, les femmes qui y œuvrent sont employées au mépris de toutes dispositions relatives au droit du travail etc.

  • Le travail des enfants :

Les enfants travaillant dans le secteur informel sont difficiles à dénombrer et sont regroupés spécialement dans les zones urbaines. Ils travaillent dans l’artisanat traditionnel (dinanderie, travail du cuir, poterie, tapis, agriculture traditionnelle…), dans les services (mécanique auto, plomberie…), le micro commerce de rue (petits porteurs, cireurs, laveurs de voitures, vendeurs de mouchoirs, de sacs en plastique…) ou les activités domestiques (petites bonnes). Ces activités souvent dangereuses portent atteinte à leur santé et leur sécurité.

L’exemple des petites filles dans le tissage du tapis, travaillant dans des locaux mal aérés, avec des durées de travail dépassant le cadre légal, usant de matériel dangereux est devenu proverbial. L’exemple des enfants dinandiers, travaillant dans le secteur du cuir, poterie, les enfants qui travaillent dans la rue ou les fillettes domestiques avec des conséquences négatives sur le santé (maladies respiratoires, de peau, sévices et risques) sont tout aussi proverbiales.

La main d’œuvres enfantine est généralement jeune, travaillant dans un style de travail dangereux, non protégée, faiblement ou non rémunérée, fortement malléable en termes de durée et de régularité. La précarité juridique des enfants est la règle, qu’il s’agisse de l’inexistence de contrat de travail, de durée de travail qui dépasse celles fixées par la réglementation, de l’absence de protection sociale. Dans les activités des métaux et garage, la durée dépasse les 10 heures par jour pour 84 % des enfants. Peu nombreuses sont les unités qui souscrivent à une assurance pour le local (17,7 %) et encore moins nombreuses (10,7 %) celles qui déclarent avoir une assurance pour les employés.

  • Les femmes :

unités de production informelles selon le sexe du chef de l’unitéet les secteurs d’activités économiques.

Secteur d’activités Sexe du chef de l’unité informelle  

total

masculin féminin
Industrie et artisanat Effectif

En %

162267

63

95452

37

275719

100

Commerce et réparation Effectif

En %

619326

95

31574

5

650900

100

service Effectif

En %

222464

89.8

25242

10.2

247706

100

construction Effectif

En %

76339

99.3

576

0.7

76915

100

Source : DS-ENSINA 1999/2000 p. 92.

Le travail des femmes et aussi du à la pauvreté comme celui des enfants.

Selon l’enquête 2000, les femmes représentent 12,7 % des emplois occupées dans le secteur informel. On peut pas nier la participation des femmes dans ce secteur mais comme dans de nombreux pays en développement (même les pays industrialisés), il est sous-estimé par les statistiques officielles.

Le travail à domicile des femmes est une modalité exclusivement féminine. Il existe une segmentation au sein du secteur informel liée au genre. Le travail a domicile est le lieu de polarisation des femmes (activités artisanale, broderie, couture, tissage du tapis, petites confections ou domestiques..) non occupés par les hommes, favorisé par une demande et en concordance avec les pratiques sociales. Le domicile espace traditionnellement non marchand devient aussi un lieu de travail marchand, ambivalence qui explique le caractère extrêmement précaire de cette forme de mise au travail.

Les travailleurs de l’économie informelle doivent être réintégrés dans l’économie formelle, dans la vie économique et sociale, afin qu’ils soient reconnus et respectés en tant que travailleurs, et protégés contre toute forme d’abus et d’exploitation. Le gouvernement marocain doit marquer concrètement son intérêt pour  l’économie informelle en mettant en œuvre un train  de mesures qui à terme faciliteraient l’encadrement des activités informelles et leur insertion progressive dans l’économie formelle. C’est seulement lorsque les opérateurs informels apprécieront les avantages que leur offre l’économie formelle qu’ils n’hésiteront pas à franchir le pas.

  1. Au plan international.

Les pratiques commerciales informelles ont contribué au dérèglement du système financier et bancaire et à la fuite des capitaux, ils constituent pour certains, une atteinte à l’ordre public économique, du fait de la difficulté de les enrayer et de les réprimer ; elles sont devenues un fléau à combattre pour favoriser le développement du Maroc

  • Conclusion

L’économie informelle marocaine est une composante nécessaire dans les structures de production et de services traditionnelles de la société, mais également dans la permanence de réseaux sociaux marqués par la prédominance des liens familiaux et de proximité. Elle occupe une place significative dans la production de la richesse nationale (40 % du PIB, agriculture incluse) et sur le marché du travail (40 % des actifs hors secteur agricole).

Malgré que les principaux actifs de ce secteur sont déscolarisés ou sous-scolarisés, il ne faut pas les sous estimer sue le plan de leurs connaissances et de leurs compétences , or le problème c’est que ces savoir faire ne sont pas reconnus ou certifiés ni valorisés d’aucune façon, cela suppose des interventions et des actions complexe et la nécessité de créer des activités génératrices de revenus, cela est possible , mais dans la mesure  où le maximum d’acteurs et de moyens soient mobilisés pour les mettre en oeuvre, et qu’ils soient mis en place des moyens de financement adéquats et qu’elles ne restent pas, comme c’est le cas aujourd’hui, des expériences isolées. Seule une volonté et des mesures politiques ciblées et adaptées négociées avec les partenaires sociaux peuvent permettre au secteur informel de devenir un acteur reconnu et dynamique de l’économie et de la société marocaines.

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