Chapitre 1 : les fondements de l’échange international
I LES FLUX INTERNATIONAUX DE BIENS ET DE SERVICES
A LA STRUCTURE DU COMMERCE MONDIAL
Les produits manufacturés sont prépondérants : la part des échanges de produits manufacturés est croissante sur le long terme dans le total des échanges de biens (74 % en 2004 contre 54 % en 1980) : les machines et matériels de transport représentent le premier poste de ces échanges, mais ce sont les échanges de produits à haute technologie qui progressent le plus rapidement depuis 1980. A l’inverse, le poids des produits agricoles a baissé de manière continue sur le long terme, tandis que la part des produits minéraux (incluant le pétrole) fluctue selon l’évolution des cours.
– la part des échanges de services reste limitée (une grande partie des services marchands fait plus souvent l’objet d’investissements internationaux que d’échanges) mais progresse : elle représente 24% des échanges de marchandises en 2006 contre 20 % en 1987. Les services échangés sont essentiellement des services commerciaux (transport, tourisme), qui augmentent au même rythme que les échanges de marchandises depuis le début des années 1990. Mais l’évolution est très disparate d’une catégorie de services à l’autre, les services de l’assurance, de la banque et des télécommunications progressant le plus fortement, du fait de la tertiarisation des économies et de la libéralisation récente des échanges de services.
B LA GEOGRAPHIE DU COMMERCE MONDIAL
Le commerce mondial est principalement le fait des pays développés, dont la part oscille selon les années entre les 2/3 et les ¾ du commerce mondial. Il s’éloigne de plus en plus d’un commerce de type Nord/Sud au profit d’un commerce tripolaire ou Triade (Amérique du nord, Europe, Asie) : au sein de ces trois pôles, l’Asie et plus particulièrement la Chine prennent de l’importance, tandis que la part des États-Unis a tendance à baisser.
La part des pays en développement est fluctuante en raison des évolutions des cours des matières premières, qui constituent une part encore importante de leurs exportations. Néanmoins certains pays en voie de développement (nouveaux pays industrialisés ou pays émergents) exportent de plus en plus de produits manufacturés, ce qui traduit une nouvelle division internationale du travail. Contrairement aux pays du nord qui commercent principalement entre eux, les pays du Sud échangent avant tout avec le Nord et relativement peu entre eux. Mais d’une année sur l’autre, les échanges Sud/Sud se densifient progressivement, même s’ils restent concentrés sur un petit nombre de pays.
II LES THEORIES TRADITIONNELLES DES ECHANGES INTERNATIONAUX
Les économistes classiques et néoclassiques sont partisans du libre échange qui selon eux est favorable au développement des nations : le libre échange est une doctrine économique qui vise à limiter les obstacles à la circulation des biens, des services et des capitaux entre les économies nationales. Pour les partisans du libre échange, l’échange international s’explique par la nécessaire division du travail entre les nations, permettant une production au moindre coût. La division internationale du travail correspond donc à la situation résultant d’une spécialisation de la production au niveau mondial.
- La théorie des avantages absolus
Selon la théorie des avantages absolus d’Adam Smith, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les productions pour lesquelles il possède un avantage absolu en terme de coûts par rapport aux autres nations : à l’inverse, il s’approvisionnera à l’extérieur à moindre coût pour les productions dans lesquelles il ne détient aucun avantage.
- La théorie des avantages comparatifs
Comme le souligne David Ricardo (Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817), « Quoique le Portugal pût faire son drap en n’employant que 90 hommes, il préférerait le tirer d’un autre pays où il faudrait 100 ouvriers pour le fabriquer parce qu’il trouverait plus de profit à employer son capital à la production du vin, en échange duquel il obtiendrait de l’Angleterre une quantité de drap plus forte que celle qu’il pourrait produire en détournant une portion de son capital employé à la culture des vignes, et en l’employant à la fabrication des draps ». Ainsi, dans sa théorie des avantages comparatifs, David Ricardo montre que la spécialisation internationale est bénéfique pour tous. Les nations sans avantage absolu doivent se spécialiser dans les productions pour lesquelles elles connaissent le moindre désavantage en termes de coût et de prix de vente. Alors les richesses de chaque pays de même que la richesse totale augmentent.
Ce modèle a fait l’objet de recherches récentes tenant à généraliser et étendre ses résultats, même si les hypothèses sur lesquelles il repose (coûts de production indépendants des quantités produites, travail comme seul facteur de production, techniques de production indépendantes du coût des facteurs de production, mobilité parfaite du travail à l’intérieur de chaque nation) peuvent être contestées. Ainsi, la mobilité du travail n’est pas parfaite dans la réalité : la main d’œuvre qui fabriquait du vin en Angleterre n’est pas forcément capable de fabriquer du drap.
- Le modèle HOS (Hecksher, Ohlin et Samuelson)
Des travaux plus récents menés par Hecksher et Ohlin (1919 et 1933) et complétés par Samuelson (années 1940), ont montré l’importance des dotations en facteurs de production dans l’obtention des avantages comparatifs. Ce modèle diffère de celui de Ricardo par sa volonté d’expliquer l’origine de l’avantage comparatif et par l’introduction de deux facteurs de production substituables. D’après ce modèle, les pays se spécialisent donc dans les fabrications qui incorporent le facteur de production le plus abondant localement. Ainsi les pays en voie de développement exporteraient des produits incorporant beaucoup de main d’œuvre, alors que les pays développés exporteraient des biens nécessitant un capital important pour leur fabrication. C’est ce qu’a voulu vérifier W. Leontief dans deux articles de 1953 et 1956 consacrés à l’examen de la position des États-Unis dans l’échange international. Or selon ses résultats, les États-Unis importent en réalité des biens à forte intensité de capital et exportent des biens à forte intensité de travail. Le paradoxe peut s’expliquer par la plus grande productivité des travailleurs américains et par le fait que les États-Unis exportent des biens qui incorporent beaucoup de main d’œuvre très qualifiée en abondance dans ce pays.
L’avantage comparatif détermine donc la structure des échanges. J.E. Stiglitz distingue quatre fondements à l’avantage comparatif : les dotations naturelles (terre, ressources naturelles, climat), les dotations acquises (capital physique, savoir-faire humains développés par un pays), la supériorité des connaissances (avantages technologiques qui peuvent provenir soit de hasards historiques soit de politiques délibérées) et la spécialisation (elle peut créer des avantages comparatifs entre pays comparables sur tous les autres points).
III LES NOUVELLES THEORIES DU COMMERCE INTERNATIONAL
La nouvelle théorie du commerce international, dont l’un des fondateurs est Paul Krugman, se développe depuis la fin des années 1970 sur la base d’une critique de l’analyse traditionnelle face aux caractéristiques des échanges internationaux contemporains : en effet ceux-ci sont réalisés essentiellement entre les nations les plus développées et plus de la moitié du commerce entre les pays industrialisés relève de l’intra branche (biens appartenant à la même branche de production). Pourquoi les nations les plus développées dont les techniques de production et les dotations factorielles sont proches échangent-elles ? Comment expliquer l’importance du commerce international intra branche qui constitue l’essentiel de l’échange international ?
Alors que les théories traditionnelles reposent sur une hypothèse de concurrence parfaite, les nouvelles théories partent d’un nouveau cadre de référence basé sur une situation de concurrence imparfaite : celle-ci se caractérise notamment par l’existence de rendements d’échelle croissants et la différenciation des produits.
Ainsi, les économies d’échelle permettent de comprendre que l’antériorité d’une nation dans la fabrication d’un bien ainsi que la taille de son marché intérieur jouent un rôle non négligeable dans l’obtention d’un avantage comparatif.
La différenciation des produits permet d’expliquer le commerce intra branche par une demande de différence de la part des consommateurs. En effet il n’y a pas homogénéité parfaite des produits et les consommateurs cherchent à se distinguer les uns des autres, ce qui explique cette demande de variété. Selon B. Lassudrie-Duchêne, l’échange international est « une demande de différence », car « là où tout se révèle identique il est inutile de rien échanger ». Enfin le commerce intra branche s’explique également par le fait qu’un produit est d’abord fabriqué pour répondre à une clientèle nationale. Ensuite s’il est exporté, il ne concernera que des nations dont les consommateurs ont un niveau de vie semblable qui leur permet de se l’offrir (nations dont les dotations factorielles sont proches, pour que la rémunération du facteur travail soit du même ordre). Cette analyse, due à l’économiste Stephan Linder, est connue sous le nom de « théorie de la demande représentative ».
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