Le terme droit a une double acception : l’une objective, l’autre subjective.
Le droit objectif : القانون الموضوعي
Le droit subjectif : الحقوق الشخصية
On peut dire que la terminologie arabe reflète mieux les sens spécifiques de ces acceptions ; car dans le premier cas il s’agit du droit dans le sens (القانون = droit objectif), et dans le second il s’agit du sens (الحق = droit subjectif).
Section 1 – LA NOTION DE DROIT OBJECTIF
Dans ce sens le droit est défini comme étant l’ensemble des règles qui régissent la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Il s’agit d’un droit objectif dans la mesure où c’est la règle de droit qui est prise en considération.
Plan :
- 1 – La règle de droit
- 2 – Les branches du droit
- 3 – Les sources du droit.
Etudier la règle de droit, c’est connaître ses objectifs et ses caractéristiques.
a – les fonctions de la règle de droit
La règle de droit tantôt impose ou interdit des comportements, tantôt elle permet d’autres.
– Elle peut nous imposer certains comportements, par exemple payer son loyer, sinon le locataire peut être poursuivi en justice et ses biens seront vendus par voie de justice pour payer sa dette.
– Elle peut nous interdire de commettre certains faits, par exemple de voler des biens appartenant à autrui, l’auteur d’un tel acte, peut être arrêté et condamné en vertu de la loi pénale.
– Enfin, une règle de droit peut nous permettre d’accomplir certains actes, par exemple s’approprier des biens, se marier, adopter des enfants…
b – les caractéristiques de la règle de droit
Comme Définition on peut retenir que la règle de droit est une règle de conduite dans les rapports sociaux. Elle est générale, obligatoire et sa sanction est assurée par la puissance publique (contraignante).
1/ Une règle de droit est Générale : car une règle juridique est impersonnelle, elle n’est pas destinée à régler une situation particulière et ne vise pas une personne de manière singulière. Elle s’applique de manière générale à tous les individus qui composent la société et qui se trouvent dans la situation qui nécessite la solution édictée par la règle de droit.
Par exemple, l’article 19 du nouveau code de la famille prévoit que le garçon et la fille ne peuvent contracter mariage qu’à l’âge de 18 ans révolus[1] ; cette règle est générale et impersonnelle puisqu’elle s’applique, en principe, à tous les Marocains et à toutes les Marocaines[2].
2/ La règle de droit est obligatoire : c’est-à-dire qu’une règle de droit est une règle impérative qui s’impose à tous les constituants de la société : on dit qu’elle est coercitive.
D’abord, la règle de droit émane de l’autorité publique, c’est l’Etat qui élabore les règles de droit[3].
Les règles de droit ne sont pas seulement des recommandations, ce sont des commandements. Toutefois, il existe des lois qui s’imposent plus que d’autres. C’est pourquoi on distingue les lois impératives et les lois supplétives.
– Les lois impératives sont appelées les règles d’ordre public : elles ont pour but d’assurer la sécurité publique et de sauvegarder les valeurs fondamentales de la société. Ce sont donc des règles qui s’imposent à tous et nul ne peut écarter leur application. Par exemple:
* En matière pénale : toute personne qui tuerait une autre personne serait poursuivie et condamnée même si la victime était consentante (notamment en cas d’euthanasie (قتل الرأفة ), ou de complicité au suicide qui est punie par l’article 407 du code pénal d’un emprisonnement d’un an à cinq ans).
* En matière civile : il est impossible d’écarter l’application par exemple de la règle qui interdit le mariage avec les ascendants et les descendants…
– Les lois supplétives se rencontrent surtout en matière de contrats, par exemple en matière de vente, l’article 510 du D.O.C. prévoit que les frais du courtage sont à la charge du vendeur, sauf les usages locaux et les stipulations des parties. Ce qui veut dire que les contractants peuvent déroger à cette règle et appliquer soit les usages soit des clauses prévues dans le contrat.
3/ Une règle de droit doit être contraignante pour pouvoir être respectée: L’irrespect de la règle implique des sanctions.
Les sanctions nécessitent l’intervention de la puissance publique afin de faire respecter la règle de droit ; car, à supposer qu’une règle de droit soit démunie de sanction, il serait difficile de la faire respecter.
La sanction permet le respect de la règle de droit et donc de faire régner l’ordre dans la société.
Les sanctions peuvent être, suivant la règle enfreinte, civiles ou pénales :
3-1/ Les sanctions civiles peuvent consister en :
– une contrainte : par exemple l’exécution d’une obligation contractuelle non effectuée, notamment un locataire qui refuse de payer son loyer peut être condamné par le tribunal soit à la saisie de ses biens, soit à l’expulsion ;
– une réparation : qui peut consister notamment à payer des dommages intérêts pour le préjudice subi soit par une personne victime d’un comportement dommageable (par exemple suite à un accident de la circulation), soit pour le préjudice subi par un cocontractant en raison de l’inexécution ou du retard dans l’exécution d’une obligation contractuelle.
3-2/ Les sanctions pénales répriment quant à elles des comportements appelés des infractions, celles – ci sont incriminées par les règles pénales suivant la gravité de ces actes.
Les infractions sont classées en trois catégories auxquelles correspondent des sanctions du même degré :
# Les crimes : Ce sont les infractions les plus graves comme les homicides volontaires (assassinat, parricide, infanticide), l’incendie d’une maison habitée, les vols aggravés, etc.
Les peines criminelles sont principalement :
– la peine de mort, qu’on appelle aussi la peine capitale ;
– la réclusion, est une peine privative de liberté, qui peut être à perpétuité ou à temps (de 5 à 30 ans) ;
# Les délits : exemple le vol, l’escroquerie, l’abus de confiance. Les peines correctionnelles (ou délictuelles) sont :
– l’emprisonnement dont la durée peut varier de 1 mois à 5 ans
– et l’amende de plus de 1 200 dirhams.
# Les contraventions : par exemple les violences légères, le dépôt des ordures sur la voie publique, etc.
Les peines contraventionnelles sont :
– la détention de moins d’un mois,
– l’amende de 30 à 1 200 dirhams.
§ 2 – Les branches du droit
Le droit se subdivise en deux grandes branches : le droit public et le droit privé.
A – Le droit public
C’est l’ensemble des règles qui organisent l’Etat et ses démembrements et ses rapports avec les particuliers. Les principales matières du droit public sont :
1 – Le droit constitutionnel : c’est l’ensemble des règles juridiques relatives aux institutions grâce auxquelles l’autorité publique s’établit, il organise les structures et le fonctionnement des trois pouvoirs qui constituent l’Etat : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. L’ensemble de ces règles est contenu dans la constitution.
2 – Le droit administratif : est un droit principalement jurisprudentiel, il organise la structure et le fonctionnement de l’administration et des personnes morales administratives et réglemente les rapports de celle-ci avec les particuliers.
3 – Les finances publiques : ce sont les règles relatives à la gestion des finances de l’Etat ; ses recettes (notamment les impôts et taxes) et ses dépenses (le budget). Chaque année, une loi de finances est votée par le parlement pour déterminer la politique financière de l’Etat.
B – Le droit privé
C’est l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre les particuliers. Il comprend un grand nombre de matières telles que :
1 – Le droit civil : c’est l’ensemble des règles de droit privé normalement applicables ; il constitue le droit commun qui s’applique chaque fois qu’aucune autre règle spéciale n’est prévue pour un cas donné (par exemple en matière commerciale).
Il régit une grande partie des rapports qui concernent les particuliers; il régemente :
– les contrats et les obligations et détermine le régime des biens; ces règles sont contenues dans le dahir formant code des obligations et contrats (D.O.C.),
– le statut des personnes (contenu dans le code de la famille ou Moudawana) : le mariage, la filiation, la répudiation, le divorce, les successions, etc.
2 – Le droit foncier : c’est-à-dire le droit qui régit le domaine immobilier.
3 – Le droit du travail : c’est le droit qui réglmente les rapports entre les employeurs et les employés et qui comporte le régime de la sécurité sociale. Ses règles sont contenues dans le nouveau code du travail.
4 – Le droit pénal : détermine les infractions et les sanctions qui leur sont applicables. La principale source de droit pénal est le code pénal.
5 – Le droit commercial : c’est le droit qui régit les activités commerciales exercées par les commerçants (individus ou sociétés), les relations de ces derniers entre eux ainsi que leurs rapports avec leurs clients.
Il réglemente un grand nombre de matières telles que les sociétés commerciales, les effets de commerce (la lettre de change, le billet à ordre et le chèque), les contrats commerciaux, etc.
Ses règles sont contenues dans le code de commerce en plus d’un grand nombres de lois sur les sociétés commerciales, la propriété commerciale, la propriété industrielle, etc.
6 – Les droits procéduraux : ils sont réglementés, en matière pénale, par le code de procédure pénale et, en matière civile, par le code de procédure civile.
Ce sont des règles qui déterminent l’organisation juidiciaire et les procédures à suivre devant les juridictions.
Notons enfin que si le droit marocain est imprégné du droit musulman, il est aussi considérablement dominé par le droit occidental (la législation du protectorat).
§ 3 – Les sources du droit
Le droit a des sources écrites et d’autres non écrites.
A – Les sources écrites
Ces sources se caractérisent, sans aucun doute, par leur hiérarchie. En ce qui concerne la loi, se pose le problème de son application.
a – La hiérarchie des sources écrites
La hiérarchie des sources écrites nationales est déterminée dans l’ordre suivant :
- La constitution: c’est un document relatif aux institutions politiques dont l’élaboration et la modification obéissent à une procédure différente de la procédure législative ordinaire.
L’adoption et la révision de la constitution sont soumises au référendum du peuple, c’est-à-dire à l’approbation populaire par voie de vote.
C’est la raison pour laquelle elle acquière une force juridique qui la situe au premier rang des règles de droit.
- La loi : elle est votée par le parlement conformément à la procédure prévue par la constitution. Le parlement est composé de deux chambres, la chambre des représentants et la chambre des conseillers.
L’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement (les projets de lois) et au parlement (les propositions de lois).
Les domaines de compétence de la loi sont strictement fixés par l’article 46 de la constitution.
- Le règlement
Il est de la compétence du pouvoir exécutif. L’élaboration des règlements s’effectue par la voie des décrets (مراسيم) pris par le Premier ministre et des arrêtés (قرارات) pris par les ministres.
Contrairement au domaine de la loi, les domaines du règlement ne sont pas énumérés par la constitution ; son article 47 se contente de disposer que “les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi appartiennent au domaine réglementaire”.
b – L’application de la loi
A partir de quel moment une loi devient-elle applicable ? C’est la question de l’entrée en vigueur de la loi et de la non rétroactivité de la loi.
1 – L’entrée en vigueur de la loi
Il ne suffit pas qu’une loi soit votée par le parlement pour qu’elle soit applicable ; il y a toute une procédure à respecter :
– Le contrôle de la constitutionnalité des lois : avant leur promulgation par le Roi, les lois peuvent être soumises au conseil constitutionnel pour se prononcer sur leur conformité à la Constitution.
Une loi déclarée inconstitutionnelle par le conseil constitutionnel ne peut être promulguée ni être mise en application, que si ses dispositions anticonstitutionnelles sont rectifiées par le parlement.
– La promulgation : c’est l’acte par lequel le chef de l’Etat :
* constate officiellement l’existence d’une loi, c’est-à-dire affirme qu’elle a été régulièrement votée par le parlement,
* et la rend exécutoire, c’est-à-dire ordonne son exécution.
Le Roi promulgue les lois par dahir. D’ailleurs, c’est par dahir que le Roi exerce les pouvoirs qui lui sont expressément réservés par la constitution.
– La publication : une fois la loi promulguée, elle est publiée au bulletin officiel (B.O.). Notons au passage que même les règlements sont soumis à la publication. Cette publication a pour but de faire connaître aux citoyens l’existence de la loi et de son contenu.
Généralement la loi devient applicable dès sa publication au B.O., mais elle peut prévoir un certain délai pour son entrée en vigueur.
Dès lors, elle devient applicable à tous ; l’article 4 de la constitution prévoit dans ce sens que «la loi est l’expression suprême de la volonté de la nation. Tous sont tenus de s’y soumettre » ; c’est que la loi est censée, après sa publication, être connue de tous en vertu de la règle «nul n’est censé ignorer la loi».
La modification de la loi, de même que pour son abrogation (الإلغاء), doit respecter la même procédure. C’est-à-dire qu’une loi ne peut être modifiée ou abrogée que par une autre loi, donc une règle juridique au moins équivalente dans la hiérarchie, par exemple un décret ne peut modifier ou abroger une loi.
2 – Le principe de la non rétroactivité de la loi (عدم ة رجعية القوانين)
Ce principe est expressément consacré par l’article 4 de la constitution qui stipule que «la loi ne peut avoir d’effet rétroactif».
En effet, une loi nouvelle ne peut être appliquée aux situations juridiques antérieures à sa publication. Elle est immédiatement applicable aux situations nées après sa publication. La loi nouvelle n’a donc d’effet que pour l’avenir.
Cependant, ce principe n’est pas absolu, il connaît certaines exceptions comme celle de la loi pénale la plus douce. En principe, une loi pénale est non rétroactive ; toutefois, lorsque la loi nouvelle décriminalise ou atténue les sanctions d’une infraction, elle s’applique même aux infractions commises avant son entrée en vigueur.
À côté de ces sources écrites, le droit a aussi des sources non écrites.
B – Les sources non – écrites :
Il s’agit de la coutume et des usages, de la jurisprudence et de la doctrine.
a – La coutume et les usages
Nous pouvons définir la coutume de la manière suivante : c’est une règle qui n’est pas édictée en forme de commandement par les pouvoirs publics, mais qui est issue d’un usage général et prolongé.
b – La jurisprudence
Les tribunaux ont pour fonction de rendre la justice, pour cela ils doivent faire application des règles de droit et veiller à leur respect par les justiciables.
Mais, parfois les juges se trouvent devant des difficultés d’interprétation. Il en est ainsi lorsqu’une loi est obscure, ambiguë ou même muette sur certaines questions. Il revient alors aux tribunaux d’interpréter cette loi suivant le sens le plus proche visé par le législateur.
C’est ainsi qu’il peut arriver que les magistrats adoptent une même solution qui, à force d’être appliquée, devient jurisprudence.
Il faut dire que l’unification de la jurisprudence se réalise par le biais des voies de recours en appel puis, et surtout, en pourvoi par la plus haute juridiction, la Cour suprême. Ce sont donc les précédents judiciaires qui servent de guide aux décisions des juridictions à travers la pyramide judiciaire.
c – La doctrine
C’est l’ensemble des écrits portant les interprétations et les opinions des juristes (les universitaires, les avocats, les magistrats, etc.). Ces écrits sont publiés sous forme d’ouvrages ou d’articles dans différentes revues juridiques.
La doctrine, par son analyse juridique et ses recherches scientifiques, a pour rôle d’éclairer le législateur (à l’occasion de l’élaboration des textes) et les tribunaux (lors de l’application de la loi).
SECTION 2 – LA NOTION DE DROIT SUBJECTIF
Dans le sens subjectif le droit désigne l’ensemble des prérogatives et avantages susceptibles d’être attribuées à un individu ayant pour objet de lui permettre de jouir d’une chose ou d’une valeur ou d’exiger une prestation d’autrui. Il s’agit alors d’un droit subjectif puisqu’il est fonction de la personne titulaire de ces droits.
Ces prérogatives et avantages peuvent porter soit sur des droits patrimoniaux soit sur des droits extrapatrimoniaux.
§ 1 – Les droits extrapatrimoniaux
Par opposition aux droits patrimoniaux, les droits extrapatrimoniaux sont des droits dont la nature ne peut se traduire en monnaie, c’est-à-dire n’ont pas de valeur pécuniaire et qui, par conséquent, n’entrent pas directement dans le patrimoine des personnes ; ce sont des droits hors du commerce. Ils sont incessibles et insaisissables.
Ce sont donc des droits qui ne présentent pas de valeur marchande et par conséquent, inaliénables. Exemples : le droit au mariage et au divorce, les attributs de l’autorité parentale comme le droit des parents sur la personne et les biens de leurs enfants, les droits civiques tel que le droit au vote et à l’éligibilité, etc.
Le domaine des droits extrapatrimoniaux est tellement vaste que certains auteurs l’ont étendu à certaines prérogatives qui ne sont en réalité que des libertés tels que le droit à l’honneur, le droit à l’intimité de la vie privée, le droit au respect, etc.
Ces droits extrapatrimoniaux intéressent moins le droit des affaires que les droits patrimoniaux lesquels sont monnayables et attirent plus l’attention des juristes d’affaires.
§ 2 – LES DROITS PATRIMONIAUX
Ce sont des droits qui entrent dans le patrimoine des sujets de droit, ils sont monnayables, c’est-à-dire qu’ils ont une estimation en argent et qu’ils peuvent être comptabilisés.
Une personne peut avoir des droits sur une chose, par exemple un droit de propriété, on appelle alors ce droit un droit réel car il porte sur une chose.
Une personne peut également avoir une créance sur une autre personne, par exemple une somme d’argent. La première, appelée créancier, est en droit d’exiger le règlement de sa dette de la deuxième personne appelée, le débiteur.
Les droits patrimoniaux sont donc dominés par les relations entre les personnes et les choses, c’est ce qu’on appelle les droits réels (A) ; et par les relations des personnes entre elles, c’est ce qu’on appelle les droits personnels ou droits de créance (B).
A – LES DROITS REELS
Le droit réel représente un rapport, une relation juridique entre une personne et une chose ; c’est un droit qui s’exerce directement sur une chose.
On distingue les droits réels principaux et les droits réels accessoires.
a – Les droits réels principaux
Il s’agit essentiellement du droit de propriété.
Le droit de propriété est le droit de jouir, à l’exclusion de toute autre personne des avantages que procure la chose : s’en servir, en tirer profit et en disposer.
1- Les attributs du droit de propriété
Traditionnellement on distingue 3 prérogatives comme droit sur la propriété :
# Le droit d’usage : c’est-à-dire le droit d’utiliser la chose dont on est propriétaire ; par exemple habiter sa maison, cultiver ses terres, etc.
# Le droit de jouissance : c’est-à-dire le droit de jouir de sa chose en percevant ses fruits.
# Le droit de disposition : c’est-à-dire le droit de disposer de sa chose ; on distingue :
– la disposition matérielle : par exemple : laisser dépérir sa chose faute d’entretien ou même la détruire ;
– la disposition juridique : par exemple : la vendre, la louer, la donner, l’hypothéquer, etc.
2- L’objet de la propriété
La question qui se pose ici est de savoir quels sont les objets qu’une personne peut s’approprier ?
Ces objets sont tellement nombreux qu’il est impossible de les énumérer.
Aussi, pour tenir compte de la diversité des choses et des biens sur lesquels peut porter le droit de propriété, on a établi en droit certaines distinctions, notamment entre :
1°/ Les biens meubles et les biens immeubles
– Les meubles sont des choses mobiles, c’est-à-dire qui peuvent être déplacées (les machines, les bijoux, les voitures, les actions, l’argent, etc.) ou se déplacer par soi-même (les animaux).
– Les immeubles sont des choses qui sont par nature immobiles et qui ne peuvent être transportées (le sol, les terrains, les édifices, les plantations, etc.).
Intérêt de distinction : Alors que le transfert de propriété des meubles s’opère par simple tradition, c’est-à-dire de la main à la main, puisqu’ils sont mobiles, la propriété des immeubles ne peut se transmettre que par l’accomplissement de certaines formalités.
2°/ Les meubles corporels et les meubles incorporels
– La chose corporelle est celle qui est dotée d’une consistance physique et qui est d’une nature concrète ; exp. les bijoux, les costumes, le cuir, le fer, les stylos, etc.
– La chose incorporelle est celle qui est abstraite et qui n’a pas de consistance matérielle ; exp. le fonds de commerce, les marques de fabrique, les brevets d’invention, les actions, etc.
Intérêts de distinction : il tient à l’application de la fameuse règle “en fait de meuble la possession vaut titre” (c’est-à-dire que la possession d’un meuble vaut titre de propriété). Or, cette règle ne s’applique qu’aux choses corporelles et non aux choses incorporelles. Par exemple, celui qui détient une montre est censé en être propriétaire, sauf à celui qui prétend le contraire de le prouver ; par contre, lorsqu’il s’agit d’un fonds de commerce, ce dernier appartiendra non à celui qui le détient mais à celui qui l’a inscrit le premier au registre de commerce.
b – Les droits réels accessoires : Les sûretés réelles
Ce sont des droits réels liés à l’existence d’une créance dont ils garantissent l’exécution ; ils sont appelés droits réels accessoires parce qu’ils sont accessoires à la créance qu’ils garantissent.
Ces droits donnent à leur titulaire sur la chose remise en garantie certaines prérogatives dont un créancier chirographaire est dépourvu, tel que le droit de suite et le droit de préférence.
Ces droits sont appelés des sûretés réelles par opposition aux sûretés personnelles (qui sont des droits de créance et non des droits réels) qui consistent pour une personne de se porter garante pour une autre personne ; exp. le cautionnement et l’aval.
Les sûretés réelles sont principalement le nantissement et l’hypothèque.
1- Le nantissement
C’est un contrat par lequel le débiteur affecte une chose mobilière ou immobilière à la garantie d’une obligation, et confère au créancier le droit de se payer sur cette chose par préférence à tous les autres créanciers au cas où le débiteur manquerait à le satisfaire.
Le nantissement d’un bien meuble est appelé gage.
Le nantissement d’un immeuble prend le nom d’antichrèse.
Le nantissement entraîne dépossession, c’est-à-dire la mise de la chose objet du nantissement entre les mains du créancier.
2 – L’hypothèque
C’est un droit réel sur un immeuble affecté à la garantie d’une créance mais qui, à la différence de l’antichrèse qui est un nantissement, ne comporte pas dépossession du débiteur.
L’hypothèque autorise le créancier non payé à l’échéance à faire saisir et vendre l’immeuble en quelque main qu’il se trouve (droit de suite) et à se faire payer sur le prix avant les créanciers chirographaires (droit de préférence).
B – LES DROITS PERSONNELS OU DROITS DE CRÉANCE
Le droit personnel suppose une relation entre deux personnes au moins, un créancier titulaire d’un droit et un débiteur tenu d’exécuter une obligation. Le droit du créancier s’appelle créance, alors que l’obligation qui lie le débiteur est appelée dette. La créance se classe dans l’actif du patrimoine du créancier, tandis que la dette est un élément du passif.
CHAPITRE 2 – LE SUJET DU DROIT : LES PERSONNES
Le droit a pour sujet l’homme, ce dernier a vocation à être titulaire de droits ; à ce titre l’homme est doté d’une personnalité juridique qu’on appelle la personne.
La personnalité juridique comprend deux composantes, la capacité de jouissance et la capacité d’exercice.
– La capacité de jouissance : c’est l’aptitude d’être titulaire de droits et, le cas échéant, d’être débiteur d’obligations[12]. La capacité de jouissance commence, en principe, dès la naissance, mais l’enfant est doté de ses droits dès qu’il est conçu, car il peut être héritier (وارث) ou légataire (موصى له).
– La capacité d’exercice : c’est l’aptitude d’exercer soi – même ses droits et d’exécuter ses obligations.
On distingue en droit deux catégories de personnes : les personnes physiques et les personnes morales.
Section I – LES PERSONNES PHYSIQUES
En droit marocain, l’être humain acquière la personnalité juridique dès sa naissance, il s’agit bien entendu de la capacité de jouissance أهلية الوجوب. C’est à dire que si l’enfant est né vivant, il hérite ; par conséquent, dans notre droit, la personnalité juridique commence à la conception. Mais s’il est mort – né, l’enfant n’a pas d’existence juridique et donc n’hérite pas.
En ce qui concerne la capacité d’exercice أهلية الأداء, l’article 210 du code de la famille dispose que « toute personne ayant atteint l’âge de la majorité, jouit de la pleine capacité pour exercer ses droits et assumer ses obligations, à moins qu’un motif quelconque établi ne lui limite ou ne lui fasse perdre cette capacité”.
Donc, pour pouvoir exercer ses droits, une personne physique doit être juridiquement capable, c’est-à-dire apte à exercer ses droits. Or, dans ces cas prévus par le Code de la famille les personnes physiques se trouvent être légalement interdites, et partant, mises sous tutelle.
Section 2 – LES PERSONNES MORALES
Ce sont des groupements de personnes ou de biens dotés de la personnalité juridique pouvant, par conséquent, être titulaires de droits et d’obligations. La personne morale, lorsqu’elle est formée, se distingue des personnes qui l’ont constituée.
La personnalité morale permet au groupement d’avoir un statut propre, indépendant, c’est-à-dire ayant :
– une identité propre, un nom, une nationalité, un domicile… ;
– un patrimoine propre distinct des patrimoines personnels des membres du groupement ;
– et une pleine capacité juridique pour exercer les actes nécessaires à la vie du groupement.
Généralement on distingue les personnes morales de droit public, les personnes morales mixtes et les personnes morales de droit privé :
- Les personnes morales de droit public: Il s’agit d’établissements publics dotés de la personnalité morale, exemples : l’Etat, les régions, les provinces, les communes, les hôpitaux, les offices, les universités, etc.
- Les personnes morales mixtes: ce sont des personnes qui ont un statut de droit public mais dont l’activité est régie par le droit privé, exemples : les sociétés nationales, les sociétés d’économie mixte, etc.
- Les personnes morales de droit privé: ce sont les sociétés et les associations privées.
– La société : c’est un groupement qui réunit par un contrat deux ou plusieurs personnes qui mettent leurs biens en commun en vue d’en partager les bénéfices qui peuvent en résulter.
Les sociétés sont aussi dotées de la personnalité morale.
– L’association : c’est un groupement réuni en vertu d’un contrat d’association ; par ce contrat deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances et leurs activités dans un but non lucratif.
Les syndicats professionnels sont également des associations, mais régies par des textes particuliers. Ils ont pour objet de défendre les intérêts de leurs adhérents.
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