Droit Généralités sur le droit

L’interprétation de la loi

I-En quoi consiste l’interprétation de la loi ?

  1. Qu’est-ce qu’une loi ? De qui émane-t-elle ?
  2. Qu’est-ce que l’interprétation de la loi ?
  3. Qui se charge de l’interprétation de la loi ?
  4. LA LOI :

La loi est  la principale source formelle du Droit objectif :

  • au sens large, la loi désigne toute règle générale et impersonnelle, résultant d’une volonté collective et commune et dotée de la force contraignante. Elle se distingue de la morale qui n’est pas sanctionnée par la contrainte et de la coutume qui résulte moins d’une volonté que d’une tradition collective.
  • dans un sens plus précis, la loi désigne les normes juridiques qui, d’une part, émanent du pouvoir législatif, par opposition aux décrets ou aux règlements qui proviennent du pouvoir exécutif et des autorités administratives, et d’autre part réglementent certaines matières comme les libertés publiquesou la détermination des crimes et des délits.

Qui rédige la loi ?

Dans le cadre des cinq Constitutions qu’a connu le Maroc, ( 1962-1970-1972-1992-1996-2011) le principe général est resté le même : la loi est  l’œuvre du pouvoir législatif.

En règle générale, la loi doit émaner du Parlement, mais de multiples exceptions se présentent souvent. Cependant, elles s’efforcent de préserver la prééminence et la supériorité de l’institution parlementaire malgré leur intensité.

  1. L’INTERPRETATION DE LA LOI :

Le mot interprétation (du latin interpretatio) désigne l’action d’interpréter ou bien ce qui résulte de cette action.

En herméneutique, on cherche à interpréter le sens d’un texte en allant au-delà de son sens premier ou littéral, pour trouver les autres sens, les sens cachés. C’est une opération qui fait appel à des préceptes et consiste à préciser le sens et la portée d’un texte ambigu. Elle peut en alternance être qualifiée d’extensive ou de restrictive, de libérale ou de littérale, de large ou de stricte et étroite. Elle peut tout autant paraître cohérente, généreuse, juste, rationnelle ou simpliste.

Etant générales, les lois devraient être justes envers tous les citoyens. Mais le législateur est amené parfois à adapter la loi à un individu dont la situation est bien particulière. De ce fait, la justice n’est juste que si elle approuve qu’il soit nécessaire d’interpréter la loi. Donc   l’interprétation de la loi est souvent indispensable, afin que le contexte dans lequel elle a été édictée ne soit  révoqué.

Mais avant d’appliquer une loi aux circonstances particulières d’un litige, il est nécessaire de se livrer à un travail d’examen d’analyse, et d’interprétation  quand les textes se révèlent ambigus et obscurs et même quand il s’agit de textes clairs et précis. De plus, la règle de droit étant par définition une règle générale et impersonnelle, elle est souvent conçue en termes généraux assez vagues. Il s’agira alors de puiser la véritable signification du texte et de s’interroger sur la volonté du législateur qui a toujours une nuance de langage et une connaissance de cause.

La loi est faite pour être appliquée à la lettre :

Dans son application stricte et limitée, la loi conduit parfois à l’injustice. C’est pourquoi, tout en se voulant étroite, la loi donne volontairement une certaine marge de manœuvre et de créativité au juge. Cependant, dans la mesure même où, comme le souligne Aristote : « la loi ne peut prévoir tous les cas », elle doit inévitablement être interprétée. L’interprétateur doit donc chercher à définir ce que la loi exigerait si elle était plus exhaustive ou plus précise, c’est-à-dire si elle avait pu prévoir le cas particulier motivant cette action et statuer sur lui. De là, la jurisprudence devient à son tour un élément du droit.

  1. LES PROTAGONISTES DE L’INTERPRETATION:

Qui est chargé d’interpréter la loi ?

Cette tâche est essentiellement dévolue aux tribunaux. Ce rôle est assumé également par l’ensemble des juristes, et les opinions doctrinales apportent leur contribution aussi bien au niveau de la formation des règles de droit que de leur interprétation. Nous laisserons de côté le cas où l’interprétation d’une loi peut être donnée par le législateur lui-même.  En droit comparé, le procédé des lois interprétatives, qui est très ancien, est de moins en moins utilisé de nos jours.

II-Types d’interprétation :

L’opération d’interprétation des lois a été considéré depuis longtemps comme un processus mécanique qui consiste en la modification d’un texte, le concept apparaît aujourd’hui comme un exercice qui oblige le juriste ou l’interpréteur de manière générale à prendre en considération plusieurs facteurs d’ordre politique, économique et social, d’où la naissance des notions d’interprétation fiscale et constitutionnelle.

Les lois constitutionnelles et fiscales n’ont pas la même fonction et la même nature, cette différence va contribuer à l’éloignement des lois constitutionnelles et fiscales sur le plan d’interprétation. En analysant les catégories des lois sur le plan formel on trouve les lois constitutionnelles (dites organiques ou parlementaires) et les lois ordinaires, à ce binôme s’ajoute la troisième catégorie : les lois quasi constitutionnelles véhiculées par la jurisprudence.

Les lois constitutionnelles sont modifiées ou interprétées d’une manière plus complexe vu le caractère de supériorité qu’occupent la constitution et ses lois dans chaque pays sur le reste de la législation.

  • La fonction respective des lois constitutionnelles et fiscales :

La règle générale de l’interprétation des lois stipule que les lois doivent être interprétées différemment, en tenant compte de leur nature (organique/ordinaire), et aussi de leur contenu matériel : « Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». Dans ce sens on peut évoquer la naissance au Canada de la notion des lois favorables aux citoyens qui complètent et assurent la protection des droits du peuple (droits fondamentaux et indispensables pour vivre) et les droits de parole et de liberté d’expression, en effet ces lois sont dites favorable car elles sont pleinement profitables aux citoyens.

L’interprétation des lois fiscales demeure un processus au cours duquel la créativité de l’interpréteur est peu sollicité, vu l’absence d’un texte législatif clair, mais cette créativité est souvent contrôlée et examinée avant la modification du texte juridique.  « En l’absence d’un texte législatif clair, il n’est pas souhaitable que les tribunaux innovent ».

  • La formulation respective des lois constitutionnelles et fiscales :

Lors de la rédaction, il faut prendre en considération plusieurs clauses et règles, dans ce cadre le lien entre la façon dont une loi est rédigée et celle dont elle est interprétée trouve son renforcement, d’où la naissance de la relation d’opposition entre interprétation fiscale et constitutionnelle. Vu la complexité de modifier les lois constitutionnelles, ces dernières doivent être rédigées avec une prise de considération de leur évolution dans le temps, car la rédaction d’une loi constitutionnelle en termes flous et vagues a nécessairement des conséquences négatives sur sin interprétation.

La rédaction des lois fiscales a un caractère détaillé et précis, car le législateur tente de tout prévoir et de tout régler à l’avance pour renforcer l’effectivité et l’efficacité juridique, d’une part, mais d’autre part ce concept limite la jurisprudence des juges et les rend dépendants des textes de lois vu qu’ils traitent tous les cas possibles.

  • Le texte, le contexte et l’objet de la loi : les trois piliers de l’interprétation constitutionnelle et fiscale :

Compte tenu de leur nature, les lois constitutionnelles doivent recevoir une interprétation contextuelle sans abstraction de la formulation de leurs dispositions, quant aux lois fiscales, elles suivent la méthode d’interprétation moderne qui vise à modifier le texte, le contexte et même l’objet de la loi.

« Le texte, le contexte et l’objet de la loi semblent ainsi être les trois pierres angulaires de l’interprétation juridique ».

III- Lois d’interprétation ?

Les lois d’interprétation sont des règles  qui relient un ensemble de dispositions et de principes idéals à l’interprétation des lois. Dans chacune des provinces, l’intégration des lois d’interprétation en droit privé comme en droit public s’est faite différemment des autres provinces.  Dans ce sens l’analyse est faite sur l’origine des lois qui est considéré comme repère pour l’interprétation.

Les lois d’interprétation sont adoptées pour plusieurs raisons d’une part  pour faciliter la rédaction des lois et permettre d’abréger certaines expressions législatives et juridiques tout en remettant en cause les difficultés d’interprétation des lois, sur le plan de la rédaction et de la publication.

Les règles énoncées dans les lois d’interprétation n’ont qu’une valeur supplémentaire : elles peuvent être écartées par le législateur, soit explicitement, soit implicitement, en raison du contexte ou de l’objet de la loi.

IV-Exemple : Interprétation de la loi pénale

La loi pénale est considérée comme un texte et un procédé juridique qui vient tout juste après la confirmation d’une infraction .Bien que la loi pénal reste complète ,il est fort permis au juge de faire sa propre interprétation . Ainsi vu, l’interprétation peut être envisagée comme étant le fait d’attribuer une signification à un fait ou un énoncé. Plus encore de donner un sens à ce qui n’en a pas immédiatement, de clarifier ce qui est obscur, vague ou lacunaire dans l’optique d’une bonne application face à un cas précis .Certes la loi pénale est complète mais elle reste imparfaite vue les difficultés que peut trouver le corps judiciaire lors de son application. Ces difficultés sont dues au développement des cas et leurs amélioration à travers le temps .On peut citer des exemples d’interprétation de loi récentes comme les cas de piratages informatiques : la loi pénale marocaine ne comprend pas ou bien n’y est pas précisé les cas de hacking, de bombing, de spoofing et de diffusion de contenue adultère ou pédophile. Ce qui montre l’imperfection de cette loi ,et donc on comprend que l’interprétation de la loi pénale par le juge, lui permet de la faire s’adapter à une situation de même il est tenu de rendre une décision même lorsqu’elle n’est pas prévue par une loi. On peut estimer que le juge a pour rôle de faire évoluer le droit résultant d’un texte écrit figé. De plus, le contenu de la loi n’est pas toujours clair d’où son interprétation. En effet la société évolue avec les phénomènes nouveaux qui peuvent apparaitre. Le juge est tenu de rendre une décision lorsqu’il est saisi d’un cas de cyber criminalité par exemple même si ce comportement anti social n’existait à la rédaction du code pénal .Et comme le juge pénal est sous peine d’être poursuivit de déni de justice a l’obligation de rendre une décision chaque fois qu’il est saisi. L’interprétation de la loi lui permettra de remplir sa mission et de ce fait il ne saura invoquer le mutisme de la loi quant au cas à lui soumis .Cependant l’interprétation de la loi par le juge peut conduire à des dérives ; dans la mesure où il est libre d’interpréter une loi selon son état d’âme, ce qui peut donner un autre sens, une autre peine que ce qui a été prévu par les textes. Dès lors, il peut être considéré comme son propre législateur.

VI-Les méthodes et règles de l’interprétation de la loi :

1- Méthodes ou écoles d’interprétation :

Pour interpréter la loi, il faut effectuer plusieurs méthodes par exemple :

  • La méthode classique:

Cette méthode a été adaptée au XIX ème siècle lors de l’exécution du code civil par l’école de l’exégèse, ses principaux auteurs sont : Duranton, Demolombe, Aubry et Rauh.

Selon les exégètes (nom donné aux premiers auteurs) l’interprétation doit être la plus fidèle possible aux textes ou aux intentions de ses publicistes. Néanmoins, toute analyse de texte doit se baser sur plusieurs  pédagogies :

“Quand la loi est claire il faut la suivre” :C’est-à-dire que la loi ne doit être interprétée que s’il ya un doute.

-“Quand la loi est obscure, il faut en approfondir les dispositions pour en pénétrer l’esprit” :   pour fixer le sens d’une partie de la loi, il faut en réunir toutes les dispositions, avoir une vue globale du système de règles dans laquelle s’insère la disposition litigieuse.
En cas de doute, l’interprète inclinera vers l’interprétation la plus équitable.

-“Si l’on manque de lois, il faut consulter l’usage ou l’équité” :

 Cette méthode était critiquée auparavant par les juges car elle manque de créativité en faisant appel aux coutumes ou à la justice.

  • L’école de la libre recherche scientifique :

Pour Gény (l’auteur de cette méthode) il faut que les textes changent lors du changement de la société cela veut dire que lorsqu’un texte a besoin d’être interprété il faut s’appuyer sur la recherche des éléments  scientifiques parmi elles, des données sociales, historiques, économiques…

Le but de la méthode est d’élaborer des règles mieux adaptées aux besoins actuels de la société.

  • La méthode du but social :

Cette méthode consiste à interpréter chaque loi selon sa fonction sociale, c’est ce qu’on appelle « méthode téléologique », c’est-à-dire l’interprétation formée par les finalités de la règle.

  • La méthode comparative :

Ce sont toutes les comparaisons établies entre le droit national et les droits étrangers pour y trouver des sources d’inspiration. C’est ainsi que la France s’est inspirée des assurances sociales allemandes.

2-les règles de l’interprétation de la loi :

Alors que les méthodes d’interprétation ne proposent qu’une approche ou une démarche intellectuelle pour trouver des solutions sur les conflits d’interprétation des lois, les règles d’interprétation énoncent, quant à elles, des normes plus précises pour aider à les résoudre. Elles ne se présentent pas sous forme de règles impératives, mais constituent valablement des guides et des arguments. Les règles d’interprétation se rattachent aux éléments extra littéraux de la loi, c’est-à-dire au contexte de la loi. Ces règles sont valables pour interpréter l’ensemble des textes de droit, qu’il s’agisse des lois, des règlements ou des coutumes, parmi ces règles on trouve :

a -l’équité :

Qui veut dire que l’interprétation de la loi ne doit pas produire des conséquences inéquitables.

b- l’unité du texte :

Les règles de l’interprétation qui ont un rapport avec l’économie générale de la loi, prennent en compte soit les rapports entre une loi et les textes environnants, soit les rapports entre les diverses dispositions d’une même loi.

c- les usages :

Le Code civil vise surtout les usages conventionnels (exemples : Un article pour une référence générale à l’usage, un article pour les usages géographiques, et un article pour les usages juridiques).

 d- L’effet utile :

Cela signifie que l’interprétation ne doit pas priver le texte interpréter de tout intérêt (l’article pour les conditions contractuelles).

e- L’interprétation autonome ou naturaliste :

Cette règle signifie qu’il faut interpréter les règles dans leur contexte, c’est-à-dire approuver une interprétation autonome des règles juridiques (par exemple, la notion de faute n’aura pas la même signification en droit civil, en droit pénal ou en droit du travail).

f- L’interprétation globale :

Cette règle rappelle qu’il ne faut pas interpréter une partie sans référence au tout dont elle est extraite. Ainsi, un article du Code civil doit s’interpréter par référence aux dispositions qui le précèdent ou le suivent, voire par référence à d’autres textes comparables dans d’autres parties du Code.

Cette méthode est à rapprocher de l’argument (a completudine en latin), c’est-à-dire de complétude, argument qui permet de se référer au système dans son ensemble pour interpréter une disposition en particulier.

VI- Interprétation de la loi au Maroc :

1-Exemple d’interprétation d’une loi marocaine :

Pour illustrer cette idée, l’exemple le plus simple et le plus exprimant est l’article 79 du Dahir des obligations et des contrats (DOC) qui prédit que le principe de la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques en ces termes : “ L’Etat et les Municipalités sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de leur administrations et par les fautes de services de leurs agents “.

A la lecture de cet article, deux conditions paraissent nécessaires et suffisantes afin d engager la responsabilité de l’Etat :

  • L’existence d’un dommage.
  • Ce dommage doit être assignable au fonctionnement d’un service public.

Néanmoins, ce texte qui donne l’impression d’être clair et précis a soulevé une grande contradiction doctrinale et divisé les tribunaux marocains, durant de longues années. Faut-il exiger,  en plus des deux conditions évoquées, la preuve d’une faute, conformément au droit commun ? Faut-il, au contraire considérer que la responsabilité de l’Etat est une responsabilité objective, la preuve d’une faute n’étant pas nécessaire ? En doctrine, les deux points de vue ont été soutenus, la majorité des auteurs étant favorable à la seconde solution.

Après des longs débats, la Cour suprême a estimé que l’article 79 du DOC n’impose pas la preuve d’une faute. Donc l’Etat doit assurer la réparation automatique du dommage sans qu’il soit nécessaire de relever l’existence d’une faute dans l’exercice de l’activité administrative.

D’après cet exemple, on conclue que l’interprétation des lois est souvent importante, même quand il s’agit d’une disposition qui, à première vue, parait nette et précise. L’interprétation s’impose davantage quand les textes se dévoilent indécis et complexes.

2-Les méthodes d’interprétations suivies au Maroc :

Le Maroc tel que la France et plusieurs d’autres pays recourent aux méthodes modernes d’interprétation des lois. Depuis l’époque de Protectorat à nos jours les tribunaux marocains s efforcent toujours de fonder la solution d’un litige sur un texte, quitte à l’interpréter d’une façon très extensive, pour l’adapter au contexte social du moment. Prenons comme exemple l’évolution de l’évolution de la jurisprudence sur la définition des ‘’Personnes illettrées‘’ que l’article 427 du DOC s’est abstenu de donner. La cour d’appel considérait ces personnes là comme  non pas les personnes qui ne savent ni lire ni écrire, mais exclusivement celles qui ne savent pas signer. Contrairement à cette définition la Cour suprême a posé en 1976 une  autre définition :  L’illettré n’est pas celui qui ne sait pas signer, mais celui qui ne connait pas la langue qui a été utilisée pour rédiger la convention. 

Ce dernier exemple révèle une sérieuse limitation aux constructions jurisprudentielles : Les revirements de jurisprudence sont toujours possibles. Finalement étudions que les juges marocains, s’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire, font volontiers appel aux principes généreux du droit. Aucune référence n’étant faite aux principes généreux du droit, on peut se demander si la Haute Juridiction n’entend pas jouer un rôle plus normatif, pour combler les lacunes de la loi.

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