Economie du maroc

Une macroéconomie entre ajustement et régulation

une macroéconomie entre ajustement et régulation

  • Echec de la promotion du secteur privé
  • Réformes économiques et dynamisme entrepreneurial
  • La période post-interventionniste : le comportement économique du secteur privé durant la période
  • Des résultats décevants en matière de développement humain

Introduction

La troisième trajectoire (1993-2004), le Maroc tourne la page de l’ajustement structurel et entame un programme de mise à niveau inscrit dans un processus plus large d’ouverture (Accords d’Association et de création de zones de libre-échange avec l’UE et avec les Etats-Unis notamment) et de poursuite de la libéralisation (réformes bancaire, fiscale, loi sur la concurrence, nouvelle loi sur la société anonyme, etc.).

La prise en compte de la problématique sociale n’a pas manqué de buter sur les limites tracées par la contrainte externe (poids de la dette extérieure) et par la faible marge de manoeuvre, en termes de finances publiques. Ces limites expliquent l’évolution de la politique économique au voisinage des seuils d’équilibre propres au PAS et permettent  de comprendre les faibles résultats obtenus en termes de réponse aux ” attentes ” des populations défavorisées et d’action publique de lutte contre les conditions de pénurie des capacités et les facteurs de non-liberté économique.

Outre les ” quadratures ” d’une macroéconomie tiraillée entre ajustement et régulation, la nécessité de restaurer  la souveraineté de la politique économique et d’opérer un recentrage des dépenses publiques sur les objectifs prioritaires. Un tel choix est susceptible de supprimer les entraves réciproques de la croissance économique et du développement humain et d’engager le pays sur un sentier vertueux combinant libertés politiques, facilités économiques, opportunités sociales, garanties de transparence et sécurité protectrice.

Section 1 : Une macroéconomie entre ajustement et régulation

 Politique économique : une trop faible marge de manoeuvre

 La trajectoire qui s’ouvre à partir de 1993, marquant la fin du Programme d’ajustement structurel, est caractérisée par une autonomie relative accrue des pouvoirs publics à élaborer et à mettre en oeuvre la politique budgétaire. Toutefois, devant faire face à l’incompressibilité des dépenses de fonctionnement et de la dette,   la politique budgétaire va peser sur les dépenses d’investissement. Les dépenses courantes, prépondérantes dans la composition de l’ensemble des dépenses (soit 75% en 2000), laissent ainsi peu de place aux investissements publics qui ne représentent que 17% des dépenses totales.

Incompressibilité des dépenses de fonctionnement et de la dette et recul de  l’investissement public

L’accroissement des dépenses de fonctionnement s’est fait au détriment de l’investissement maintenu autour de 20 milliards de DH depuis 1993.

La masse salariale est prépondérante au sein de cette structure des dépenses : représentant la moitié des dépenses ordinaires, elle a plus de doublé  entre 1990 et 2003. Par ailleurs, le système de subventions des prix au consommateur (énergie et produits alimentaires de base) absorbe 6% des dépenses totales.

En revanche, les dépenses de la dette, après une croissance régulière, ont connu un léger recul depuis 2003 en raison de la baisse des taux d’intérêts et de la conversion de la dette extérieure en financements

Recettes exceptionnelles des privatisations

Les recettes non fiscales, oscillant autour de 10 milliards de DH jusqu’en  , ont épousé une croissance en dents de scie due notamment aux recettes de privatisation. A titre d’exemple, les recettes non fiscales ont connu, en 1999 un quasi-doublement grâce aux rentrées de 10,8 milliards de DH au titre de la concession de l’exploitation de la deuxième licence GSM, au lieu des 4 milliards inscrits dans la loi de finance.

Une ouverture croissante dans le cadre d’un régime de change

L’une des principales caractéristiques de la dynamique de croissance observée tout au long de la trajectoire est l’ouverture croissante sur l’extérieur (Billaudot, 2005). Le déficit de la balance commerciale (en valeur) demeure en permanence important, mais soutenable en raison des rentrées de devises liées au tourisme et aux transferts de revenus des Résidents marocains à l’étranger.

L’une des principales réformes de la première étape de l’ajustement structurel engagé en 1983 est la fin du contrôle administré du commerce extérieur. Les étapes ultérieures sont la convertibilité partielle en 1993 et la mise en place d’un marché des changes interbancaires en 1996. La Banque centrale a été confrontée à des mouvements amples l’appréciation /dépréciation qui se sont produits entre le dollar US et l’euro   .

Section 2 : le développement du secteur privé

le comportement du secteur privé, observé au cours des années 1990, dans ses différentes composantes et son adaptation aux conditions de l’ouverture. Rappelons que celles-ci postulent un comportement des entreprises privées plus dynamique, plus compétitif et plus ouvert à l’innovation. Elles impliquent également un recentrage des entreprises sur leurs métiers de base et une réorientation vers l’exportation de produits pour lesquels le Maroc dispose d’un avantage comparatif. Le secteur privé n’étant pas un tout homogène, il y a lieu de distinguer les groupes et grandes  entreprises privées, d’une part, les petites et moyennes entreprises, d’autre part.

Stratégies des groupes privés : diversification et financiarisation

L’analyse du comportement économique et financier des groupes privés marocains est une tâche difficile en raison à la fois du défaut de transparence financière qui continue de caractériser nombre d’entre eux et des limites de l’information disponible. Toutefois, il est possible de dégager trois configurations stratégiques des groupes durant les décennies 1980 et 1990.

La première combine renforcement des positions acquises et diversification ” tous azimuts “.

L’exemple le plus frappant est fourni par le groupe de l’Omnium Nord Africain (ONA) qui a cherché tout au long de la décennie 1980 à acquérir une position dominante dans le secteur agro-alimentaire (industrie laitière, industrie des huiles alimentaires, industrie sucrière) où il était très actif à travers l’accroissement des parts de marché (réalisation d’investissements d’extension et de modernisation

Les PME à l’épreuve de la concurrence

Bien que prépondérantes numériquement au sein du tissu productif (environ 92% de l’ensemble des entreprises affiliées à la Caisse nationale de Sécurité sociale et de l’échantillon du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat en 1998), les petites et moyennes entreprises ne contribuent que modestement à l’activité économique (10% de la valeur ajoutée et 16 % de la masse salariale, tous secteurs confondus, mais 39% de la valeur ajoutée manufacturière et 46% des salaires distribués par les industries de transformation. Une forte majorité de PME (72%) est concentrée dans les activités de commerce et de services

L’émergence de cette ” nouvelle vague d’entrepreneurs “, caractérisée par ” un esprit de concurrence plus agressif “, a été favorisée par les opportunités offertes par l’accès quasi-libre au marché européen dans le cadre du régime de  perfectionnement passif. De ce fait, toute une industrie de prêt-à-porter dédiée à l’exportation va se développer sur la base des avantages compétitifs que sont la main-d’oeuvre bon marché et la proximité géographique et culturelle de l’Europe. Les PME qui s’y sont engagées durant les années 1980 vont contribuer de manière significative, à côté des grands groupes publics, à la transformation de la structure des exportations marocaines où la part des produits manufacturés va passer de 23,3% en 1980 à 63,4% en 1993.

la compétitivité des entreprises marocaines va être érodée du fait de l’exacerbation de la concurrence internationale (démantèlement de l’accord multifibres, adhésion de la Chine à l’OMC, élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale

et orientale), des hausses de salaires intervenues au Maroc, de l’appréciation du dirham, etc. Enfin, la concentration des exportations sur le système de  perfectionnement passif va contribuer à limiter l’activité industrielle aux opérations d’assemblage dont l’impact sur l’industrialisation du pays est limité.

L’adoption de la démarche qualité ne va pas sans poser des problèmes dans la mesure où elle se heurte au style de management paternaliste du propriétaire-dirigeant et à l’absence d’implication du personnel de base de l’entreprise.

Pour ce qui est de l’innovation, le retard du Maroc peut être illustré par le faible nombre d’entreprises ayant une pratique de R&D : 8% des entreprises conduisent des travaux de recherche de façon continue ou discontinue au sein de l’industrie marocaine. Elles représentent, toutefois, 20% du chiffre d’affaires

Une croissance à faible contenu en emplois

La croissance économique s’est accompagnée de modifications profondes de la structure sectorielle et par niveau de formation de la demande de travail, caractérisées par une forte diminution de la part des activités primaires (agriculture et pêches) dans l’emploi total, entre 1960 et 2002, passant de 65% à 44,4%, compensée par une augmentation remarquable de celles des secteurs tertiaire (services + administration) et secondaire, respectivement, de 22% à 35,5% et de 13% à 21%.

La réduction remarquable du taux d’inflation et du déficit du compte courant depuis la décennie 1980 n’est pas sans effet sur le chômage. Le cumul des variations annuelles du taux de chômage pendant les cycles identifiés plus haut ayant augmenté avec la baisse du taux d’inflation, on peut se demander si le chômage conjoncturel n’aurait pas alimenté la composante structurelle du chômage dans un contexte marqué par un ralentissement de la croissance potentielle.

Une dynamique endogène limitée

Selon les nouveaux développements de la théorie économique prenant en compte à la fois le caractère endogène du progrès technique et la présence d’externalités dans le processus d’accumulation des connaissances, les deux forces d’impulsion sont la progression de la population (via son effet sur le marché du travail) et le progrès technique. La mise à l’écart de la première est justifiée dans le cas du Maroc

(Billaudot, 2005) par le fait qu’il n’y a pas de contrainte à la croissance venant de la population active  disponible : au contraire, avec un flux permanent et élevé d’exode rural, on observe à la fois la persistance d’un ” sous emploi ” dans les campagnes et une montée du chômage urbain. Quant au progrès technique, la faiblesse des gains de productivité estimés en tendance tant dans l’agriculture que dans le reste de

l’économie conduit à supposer qu’il n’a pas joué un rôle déterminant. En revanche, cette faiblesse des gains de productivité a pesé sur la croissance via la compétitivité à l’export et l’absence de dynamique salaires/productivité (ibid.).

Les effets sociaux

L’échec des modèles de développement mis en œuvre tout au long de la seconde moitié du XXe siècle traduit, par ailleurs, les limites des politiques de lutte conte la pauvreté, fondées exclusivement sur les mécanismes de redistribution des revenus en faveur des populations les plus défavorisées. Une telle conception de la

Justice sociale, outre qu’elle est conditionnée par l’existence d’un surplus  économique et monétaire disponible, est à la fois inefficiente à long terme et neutralisée dans son impact par les inégalités associées aux conditions de base et aux dotations premières des différentes catégories de population.

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