Economie du maroc

Plan émergence

Introduction :

Juillet 1995. Le Maroc vient de sortir d’un long et douloureux programme d’ajustement structurel. Le pays panse ses plaies certes, mais, avec des indicateurs macroéconomiques qui reviennent progressivement à la normale, on commence à nourrir de nouvelles ambitions. Reconquête des marchés, décollage économique, industrie compétitive. La Banque mondiale recommande alors aux autorités du pays de mettre en place un comité de suivi du développement du secteur privé. Sa mission: définir une stratégie pour doter le Maroc d’une industrie moderne et compétitive. Un an plus tard, le comité rend sa copie : la stratégie, baptisée «Le Maroc compétitif», est construite autour de grappes, des secteurs censés jouer le rôle de locomotive en tirant la croissance vers le haut. Le schéma est certes séduisant mais un peu en avance sur son temps. Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Les télécoms ont explosé, les infrastructures se sont améliorées et surtout beaucoup d’entreprises se sont installées au Maroc essentiellement dans des secteurs à forte composante technologique comme l’aéronautique, les composants électroniques, les télé services… Dix ans plus tard, donc, le Maroc renoue avec ses rêves. Certes, en une décennie, l’économie est plus saine, moins dépendante de l’agriculture et les services ont explosé. Mais la croissance reste timide. Sur les 5 dernières années, elle n’a été que de 3,3%, insuffisant pour un décollage économique, trop peu pour un pays dont le taux de chômage urbain est de 18%. Facteur aggravant, les exportations sont en panne, pas assez diversifiées, pas assez de produits à haute valeur ajoutée (17% seulement de nos exportations). Le déficit commercial se creuse dangereusement et, n’étaient les devises rapatriées par les MRE, la balance des paiements serait déséquilibrées comme ce fut le cas en 1983, avec l’ajustement structurel qui s’en est suivi. Jusqu’à quand supporter un tel risque ?

  • le contexte

Le plan “Émergence” a été officiellement présenté à SM le Roi le 21 décembre 2005 à Casablanca. C’est le Premier ministre, Driss Jettou, en personne qui a procédé à la présentation de cette nouvelle stratégie industrielle du Royaume qui permettra, sur une durée de dix ans, de créer de la richesse et de la croissance, donc de l’emploi (créer environ 440.000 postes d’emploi) et développer des activités exportatrices à haute valeur ajoutée (d’accroître de 1,6 point par an le Produit intérieur brut, de réduire le déficit commercial). D’où l’idée de se positionner sur des métiers mondiaux pérennes, et dans lesquels le Maroc pourra faire valoir ses atouts : proximité, main- d’œuvre qualifiée, accès aux marchés, qualité de vie. Ces atouts ont été mis en exergue par l’étude confiée au Cabinet McKinsey.

Ainsi que par un benchmarking où le Maroc a été comparé à un échantillon de 13 pays, classés en trois groupes : un « groupe compétition » comprenant l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, le Sénégal, la Turquie et la Roumanie, puis un « groupe d’aspiration » comprenant la Tchéquie, le Portugal et la Malaisie puis un « groupe World Class » comprenant l’Espagne et la Corée du Sud.
On a beaucoup glosé sur le coût de l’étude réalisée par McKinsey. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que l’étude a porté sur 12 filières déclinées en 77 branches économiques.

Au final, un rapport de 1 800 pages, où l’on trouve aussi bien les activités cibles sur lesquelles le Maroc peut se positionner et ses chances par rapport à chaque pays compétiteur, que les prévisions de volume d’affaires, le nombre d’emplois à créer et même les noms et coordonnées des investisseurs à prospecter.

  • Objectifs :

De cette étude découle le programme Emergence avec une stratégie industrielle pour chacun des sept métiers mondiaux du Maroc : offshoring, automobile, aéronautique, électronique de spécialité, agroalimentaire, produits de la mer et textile. Cette fois-ci, il semble que l’on ait tiré les leçons du passé. L’étude de McKinsey a démarré en septembre 2004 pour être achevée en avril 2005. Cinq mois plus tard, le gouvernement avait ficelé son programme Emergence qui est aujourd’hui déjà en marche dans le domaine de l’offshoring.
Bien au contraire, tout l’intérêt du plan Emergence est de profiter des fenêtres d’opportunité dans les 7 métiers mondiaux, se positionner, faire des déclarations d’intention, sans omettre d’apporter des solutions clés en main. En clair, dans cette compétition mondiale, le temps et le marketing jouent, pèsent autant que la mise en œuvre. Il faut clamer haut et fort son intention de devenir LE PAYS où il faut investir.

Offshoring, les marchés francophone et hispanophone ciblés

Déjà, le premier «réacteur» devant permettre le décollage, l’offshoring, est allumé. Samedi 17 décembre, le Technopolis de Rabat était inauguré. Dans les prochains jours, la technopole de Casablanca (Nearshore Park) le sera également. Objectif, offrir des sites clés en main pour attirer les activités d’externalisation (traitement d’informations financières, comptables et bancaires ou encore de télé services). Et le temps presse. L’Inde, premier opérateur mondial sur le créneau, engrange aujourd’hui 4 milliards de dollars en sous-traitant les activités pour le monde anglo-saxon. Selon l’étude de McKinsey, le marché européen, en termes d’outsourcing, qui représente en 2005 quelque
9 milliards d’euros, sera appelé à se développer davantage et Casablanca est parmi les 5 premières destinations les plus prisées au monde pour de telles activités, et la première destination du pourtour méditerranéen. Le Maroc table sur le marché francophone et hispanophone. Objectif, un chiffre d’affaires additionnel de 15 milliards de DH d’ici 10 ans et près de 100 000 emplois à créer.

secteur d’automobile :

Pour l’automobile, il s’agit de se positionner sur la fabrication de composants, un secteur porteur déjà développé au Maroc. Sur les 3000 pièces qui constituent une voiture, le Maroc peut raisonnablement se positionner sur 300 d’entre elles, à fournir aux 28 sites d’assemblage répertoriés en Espagne, au Portugal et en France, soit à trois jours de navigation du Maroc (voir infographie). Le potentiel est important : un chiffre d’affaires additionnel de 7 milliards de DH et 40 000 emplois nouveaux en dix ans.
Concernant la mise en œuvre, et à l’instar de l’offshoring, le gouvernement a retenu l’idée d’une cité dédiée aux industries automobiles, baptisée «Automotive City», qui sera probablement implantée dans le Nord à proximité du port Tanger-Méditerranée et de Tanger Free Zone (TFZ). Là aussi, concepts clés en main.
Tout comme l’automobile, l’industrie aéronautique, autre pilier du programme Emergence, aura sa cité, au sein de la technopole de Nouaceur. Le Maroc ne partira pas de rien puisque près de 30 entreprises, et non des moindres, sont déjà installées, comme Safran, Souriau, Sefcam, Piston, Dion, EADS, et une dizaine en cours d’installation, dont Creuzet et Indraero. Ces entreprises emploient aujourd’hui près de 2200 personnes et génèrent un chiffre d’affaires d’environ 600 MDH.

Moyennant une politique plus agressive, le plan Emergence table sur un chiffre d’affaires additionnel de 4 milliards de DH et
12 000 emplois d’ici 10 ans, 5 000 clients mondiaux potentiels dans l’électronique.

  L’électronique de spécialité :

Pour l’électronique de masse (télévisions, téléphones cellulaires…), le mouvement de délocalisation vers l’Asie semble aujourd’hui difficilement réversible, mais le Maroc peut se positionner sur les composants plus sophistiqués, notamment ceux servant aux appareillages embarqués pour l’aviation et l’automobile, et l’électronique à usage médical, ou encore celle destinée à la défense. Là encore, un site dédié, qui sera localisé du côté de TFZ, et qui portera le nom d’«Electronic City». Chiffre d’affaires prévisionnel additionnel d’au moins 5 milliards de DH dans dix ans et création de 11000 emplois.

 L’agro-alimentaire, les produits de la mer et le textile-habillement :

 Pour l’agroalimentaire, émergence propose une ossature bâtie autour de quatre pôles agro-industriels : le bi pôle Meknès-Fès, le pôle du Gharb, le pôle Oriental et le pôle agro-technologique de Souss-Massa-Draa. Pour l’offensive dans l’agroalimentaire, le plan Emergence a retenu trois axes principaux. Le premier concerne les filières existantes et à fort potentiel comme les maraîchages, les condiments, les herbes et épices et les petits fruits. Le deuxième axe, en revanche, propose le positionnement du Maroc sur de nouvelles filières en forte croissance comme la transformation des produits «bio» et les plats cuisinés. Et enfin, dernier axe, une relance plus agressive sur des filières traditionnelles du Maroc comme l’olive, l’huile d’olive, l’huile d’argan et le jus d’orange de qualité supérieure. En menant la bataille sur ces trois fronts, le Maroc devrait pouvoir engranger, à terme, un chiffre d’affaires supplémentaire de 4 milliards de DH et générer 16 000 emplois.
  A l’instar de l’agroalimentaire, les industries de transformation des produits de la mer constituent également un métier au potentiel largement inexploité. Dans les études comparatives réalisées par McKinsey, les produits de la mer sont presque le seul secteur où le Maroc se démarque nettement de ses principaux concurrents dont la Turquie, la Tunisie et l’Egypte. Avec un dispositif plus agressif et en s’orientant, comme le préconise le programme Emergence, vers des produits plus élaborés comme le congelé et les produits haut de gamme, essentiellement le poisson frais, il pourrait faire mieux. A terme, l’étude table sur un chiffre d’affaires supplémentaire de 3 milliards de DH et 50 000 emplois. Pour la mise en œuvre, le principal pôle de développement de ce secteur sera naturellement implanté à Agadir. Un pôle dont le schéma sera largement inspiré de ce qui se fait aujourd’hui en France dans la région de Boulogne-sur-mer.
  Vient enfin le secteur du textile-habillement, qui a déjà entamé son plan Emergence, annoncé récemment à l’occasion de la signature d’une convention entre les professionnels du secteur et le gouvernement.
Au final, et si tout se passe comme prévu, le plan Emergence devrait générer, sur les 10 prochaines années, 90 milliards de DH de PIB supplémentaire, soit 1,6 point de croissance en plus par an, aboutir à la création de 440 000 emplois et réduire de moitié le déficit commercial.

 III-les priorités :

Les priorité retenue dans le programme Emergence, la promotion. Dotée d’une enveloppe budgétaire de l’ordre de 20 MDH, elle consistera à amorcer une démarche commerciale à l’export. L’association professionnelle a, d’ailleurs, présenté une série d’actions visant l’augmentation des exportations marocaines, le renforcement du partenariat avec les entreprises étrangères et l’amélioration de l’attractivité du Maroc pour que le niveau des investissements reprenne.
Un programme New Business Opportunity (NBO) a été, par ailleurs, conçu par le département du ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Mise à niveau de l’économie.
Spécialement pour le secteur du textile et de l’habillement, ce dispositif vise à mettre à profit l’accord de libre-échange, signé entre le Maroc et les Etats-Unis aux industriels.
L’accompagnement pour une meilleure accessibilité au marché américain en représente la priorité. Car, selon les Etats d’Amérique, la demande change. Les exportateurs potentiels ne devront pas aller à l’aveuglette.
Autrement dit, des études ciblées devront être effectuées pour mieux orienter l’offre.
Hormis le domaine du textile et de l’habillement, ce nouveau programme englobe l’ensemble des secteurs. En marge du programme Emergence, il s’agira en fait au ministère de tutelle d’offrir aux exportateurs potentiels de tout horizon une visibilité économique et une clarté de la demande internationale.
Car le décryptage des négociations effectuées entre le Maroc et les Etats-Unis est nécessaire à un entrepreneur donné. La mutualisation des coûts concernant les déplacements liés à la prospection des marchés extérieurs est également à prévoir.
Bref, il s’agira aux services du ministère en collaboration avec chaque association professionnelle représentant un secteur donné de sensibiliser davantage autour du contenu du programme. Car, ne l’oublions pas, l’accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis est asymétrique. La multiplication des risques n’est pas permise. Il en va de l’équilibre de l’économie marocaine L’offshoring, et encors un des axes du plan Emergence, est depuis 2005 une des priorités du gouvernement de Jettou dont les équipes ont travaillé, des mois durant, d’arrache-pied pour construire rapidement une offre complète. C’est aujourd’hui chose faite. Le projet Casashore, un business parc dédié aux activités de Business process et information technology offshoring (BPO/ITO), mené en partenariat avec CDG via sa filiale CDG Développement, le ministère de l’Industrie et la ville de Casablanca, en est l’illustration.

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