QU’EST-CE QUE LE DROIT EN GÉNÉRAL?
Le droit est l’ensemble des règles juridiques obligatoires qui organisent et régissent la vie des hommes en société.
Le droit est une règle de conduite sociale, appelée loi ou règlement et dont le respect est assuré par l’autorité publique.
Caractéristiques de la règle de droit :
Elle a un caractère obligatoire, général et permanent,
c’est-à-dire que toutes les personnes à qui elle s’applique doivent s’y conformer. Et cette règle de droit va s’appliquer depuis son entrée en vigueur jusqu’à son
abrogation.
Les différents domaines du droit
Le droit privé qui a vocation à régir les rapports entre les particuliers et dont les règles sont édictées par le droit civil, appelé aussi droit commun.
Le droit public qui a vocation à régir les rapports entre les particuliers et les institutions de l’état et dont les règles sont édictées par le droit administratif.
Définition du droit DES AFFAIRES
QU’EST-CE QUE LE DROIT DES AFFAIRES?
Appelé aussi parfois « droit économique » ou « droit de l’entreprise », le droit des affaires est un droit privé d’exception en ce sens qu’il a édicté des règles spéciales en vue de régir les relations des personnes qui exercent une activité économique (ou commerciale) et ce, par dérogation au droit civil qui a vocation à s’appliquer à toutes personnes de droit privé.
Cette introduction au droit portera plus particulièrement sur les sources du droit en général outre celles propres au droit du travail et au droit commercial.
Ces deux matières couvrent en effet l’essentiel du droit des affaires qui est un droit pluridisciplinaire et qui s’étend aux activités suivantes :
Le Droit des Affaires recouvre:
- Le Droit Commercial
- Le Droit du Travail
- Le Droit de la Consommation
- Les Droits Intellectuels
- Le Droit Pénal des Affaires
- Le Droit de la Publicité
DEFINITION DU DROIT DU TRAVAIL
QU’EST-CE QUE LE DROIT DU TRAVAIL?
Le droit du travail se définit comme l’ensemble des règles régissant les relations de travail individuelles existant entre employeurs et salariés.
Il tend à protéger le salarié contre les abus susceptibles de naître de sa subordination juridique vis-à-vis de l’employeur.
Le droit du travail reflète les évolutions, voire les mutations économiques, idéologiques et culturelles de notre société, il est donc en perpétuel changement.
Le critère essentiel du droit du travail : – le lien de subordination
La relation de travail régie par les règles du droit du travail suppose la subordination juridique et confère à la personne qui en est l’objet la qualité de salarié.
Car tout travail ne suppose pas la subordination et ne caractérise donc pas systématiquement le travail salarié: – il en est ainsi du travail indépendant qui donne lieu à la conclusion d’un contrat d’entreprise ou à un contrat de prestations mais dont les règles ne seront pas régies par les dispositions du droit du travail.
Qu’est ce que le droit commercial ? Quelles sont ses particularités ? Quelles sont ses sources ?
I – DEFINITION ET PARTICULARITES DU DROIT COMMERCIAL
C’est un droit qui fait partie du droit privé qui régit les opérations de production et de circulation des richesses effectuées par les commerçants soit dans leurs relations entre eux, soit dans leurs rapports avec leurs clients.
Vu la nature du monde des affaires, le droit commercial se distingue du droit civil tantôt par un certain formalisme, tantôt par une certaine souplesse.
A – LE FORMALISME DU DROIT COMMERCIAL
Ce formalisme est très utile pour assurer la sécurité du crédit dans les opérations commerciales.
Le crédit constitue le noyau de toutes les relations commerciales. Pour cela, il doit être entouré d’un formalisme plus rigoureux que celui éxigé par le droit civil. C’est ce qui explique le formalisme des institutions du droit commercial : celui des effets de commerce, de la vente et du nantissement du fonds de commerce, de la faillite, le formalisme rigoureux pour la constitution des sociétés commerciales, etc.
B – LA SOUPLESSE DU DROIT COMMERCIAL
Elle s’explique, quant à elle, par la rapidité que nécessite la réalisation des opérations commerciales. Ainsi, et contrairement aux règles rigides du droit civil, en droit commercial on admet le principe de la liberté de la preuve entre les commerçants.
C’est ce qui permet à ces derniers de conclure leurs contrats par les moyens les plus rapides (téléphone, fax ou même verbalement) sans avoir à se soucier, au préalable, du formalisme des écritures qu’exige le droit civil.
II – LES SOURCES DU DROIT COMMERCIAL
Comme toute matière de droit, le droit commercial a des sources écrites (constitution, traités, lois… et d’autres non écrites (coutumes et usages, jurisprudence…) (V. 1ère partie).
La caractéristique principale qui marque le droit commercial marocain est l’élaboration d’un nouveau code de commerce par un dahir n° 1-96-83 du 1er août
1996 portant promulgation de la loi 15/95 formant code de commerce1 en remplacement du code de 1913.
Le D.O.C. (Dahir formant code des obligations et contrats) qui est notre code civil peut également s’appliquer au domaine commercial en cas de besoin,
CHAPITRE 1 – L’OBJET DU DROIT COMMERCIAL
L’objet du droit commercial est bien l’activité commerciale.
L’article 6 parle d’activités commerciales que nous pouvons définir comme étant celles qui donnent la qualité de commerçant à celui qui les exerce de manière professionnelle ou habituelle à condition d’être immatriculé au registre de commerce.
Ces activités se distinguent donc des actes de commerce qui ne peuvent conférer la qualité de commerçant. C’est dans ce sens que nous pouvons distinguer les activités commerciales des actes de commerce.
SECTION I – LES ACTIVITES COMMERCIALES
L’article 6 du nouveau code a énuméré un grand nombre d’activités
commerciales que nous pouvons ranger dans trois secteurs :
– les activités de production
– les activités de distribution ;
Général du Gouvernement pour consulter les B.O.: www.sgg.gov.ma
– et les activités de services.
- I – LES ACTIVITES DE PRODUCTION
Les seules activités de production de caractère commercial, c’est-à-dire qui ne sont pas précédées de circulation antérieure, sont la recherche et l’exploitation des mines et des carrières (art. 6-4°).
La recherche et l’exploitation des mines sont commerciales depuis le dahir 16 avril 1951, alors que la recherche et l’exploitation des carrières ne le sont que depuis le code de 19962.
On remarquera que l’agriculture et la pêche, qui sont aussi des activités de production, sont restées dans le domaine civil. Sont également du domaine du droit civil toutes les activités de production de l’esprit.
- II – LES ACITVITES DE DISTRIBUTION
La distribution est l’ensemble des opérations par lesquelles les produits sont répartis entre les consommateurs.
Deux activités de distributions peuvent se dégager de l’art. 6 : l’achat pour revente et la fourniture.
A – L’ACHAT POUR REVENDRE
Trois conditions sont nécessaires à sa commercialité :
1 – L’achat.
2 – L’objet : Désormais, il s’agit non seulement de l’achat de meubles (corporels ou incorporels) pour les revendre, mais aussi actuellement des immeubles3.
3 – L’intention de revendre en l’état ou après transformation :
Cet achat doit avoir lieu avec l’intention de revendre que ce soit en l’état ou après transformation. Ainsi, nous pouvons intégrer dans ce secteur non seulement les industries de transformation, mais aussi certaines petites entreprises comme la menuiserie, la boulangerie ou la pâtisserie.
B – LA FOURNITURE
Si le contrat de vente est un contrat à exécution instantanée, le contrat de fourniture est un contrat à exécution successive.
C’est le contrat par lequel le fournisseur s’engage, moyennant un prix, à délivrer des produits qu’il se procure (achète) préalablement aux livraisons ou à effectuer des services à ses clients, de manière périodique ou continue. C’est pourquoi le contrat de fourniture est un contrat à exécution successive.
La fourniture peut concerner et les biens (les produits alimentaires ou industriels, l’eau, l’électricité et le gaz) et les services fournis de manière périodique et régulière (les services d’entretien et de réparations des appareils, machines, véhicules, les services rendus en matière de postes et télécommunications, le service de gardiennage…)
- III – LES ACTIVITES DE SERVICES
Trois catégories d’activités de services se dégagent de l’art. 6.
A – LES SERVICES DE L’INTERMEDIATION
L’objet de ces activités réside seulement dans l’information, le conseil et l’assistance aux tiers cocontractants. Il s’agit notamment du courtage et de la commission.
a – Le courtage
C’est l’activité par laquelle une personne (le courtier) met deux personnes en relation en vue de la conclusion d’un contrat.
Par conséquent, le courtier n’intervient d’aucune manière dans le contrat conclu entre les personnes qu’il rapproche.
b – La commission
Le contrat de commission est une variété de mandat en vertu duquel le commissionnaire s’engage à réaliser des opérations tels que des achats ou des ventes pour le compte du commettant, mais en son nom personnel.
À la différence du simple mandataire qui traite au nom de son mandant, le commissionnaire contracte avec les tiers en son nom personnel. Les tiers (les cocontractants) ne connaissent que le commissionnaire.
Dans la pratique, les commissionnaires sont désignés par des dénominations techniques suivant leurs domaines de spécialisation : les intermédiaires de la bourse (ou agents de change en France), les commissionnaires de transport, les transitaires de douane, les mandataires des halles, etc.
B – LES SERVICES FINANCIERS
C’est l’ensemble des activités qui ont pour objet la spéculation sur l’argent.
L’alinéa 7 de l’article 6 mentionne la banque, le crédit et les transactions financières, mais il faut aussi ajouter les assurances (al. 8) qui visent d’ailleurs, comme la banque, la spéculation sur l’argent (les primes d’assurance) et servent d’intermédiaires dans leur circulation entre ses clients.
Que veut-on dire par activités de banque, de crédit et de finance ? Les définitions sont désormais données par la loi bancaire.
a – La banque
D’après la loi bancaire, les principales activités bancaires sont :
– la réception de fonds du public ;
– les opérations de crédits ;
– et la mise à la disposition de la clientèle de tous moyens de paiement ou leur gestion.
b – Le crédit
Le crédit consiste, d’après l’article 3 de la loi bancaire, en trois opérations, qui doivent toutes être effectuées à titre onéreux en vertu desquelles une personne :
– met ou s’oblige de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne, à charge pour celle-ci de les rembourser ;
– ou prend dans l’intérêt d’une autre personne, un engagement par signature sous forme d’aval, de cautionnement ou de toute autre garantie.
d – L’assurance
Le code de 1913 dans son article 2 ne citait pas parmi les actes de commerce terrestres les opérations d’assurance ; seul son article 3 parlait des assurances, mais maritimes. La jurisprudence avait alors considéré commerciale l’assurance terrestre par analogie avec l’assurance maritime.
En pratique, les sociétés d’assurances adoptent la forme de la S.A., ce qui implique leur commercialité, aussi, par la forme.
Enfin, le code de 1996 a dûment rendu commerciales les opérations
d’assurances «à primes fixes », c’est-à-dire les assurances du secteur commercial, pour les distinguer des assurances mutuelles.
C – LES AUTRES SERVICES
Quatre activités prévues par l’article 6 peuvent être rangées dans ce cadre.
a – L’activité industrielle
Il s’agit de toute activité qui consiste à effectuer des travaux sur des biens meubles ou immeubles.
Mais à la différence avec l’achat pour revente après transformation où il y a achat de la matière première qui sera transformée pour être revendue, l’article 6 désigne par activités industrielles celles où les produits ou matières premières sont fournis à l’industriel par ses clients à charges pour lui de les leur restituer après transformation.
Mentionnons enfin dans le cadre des autres services, l’extension de la commercialité pour la première fois à l’artisanat, l’imprimerie et l’édition, le bâtiment et les travaux publics.
b – La location de meubles
En vertu de l’art 6 – 1° et 2° toute location des biens meubles corporels ou incorporels est une activité commerciale quelle que soit l’origine de ces biens, qu’ils soient achetés ou seulement loués.
Le législateur de 1996 est resté muet sur les opérations de location des immeubles. L’achat d’immeubles en vue de leur location demeure donc une activité civile.
c – L’exploitation de locaux à usage public
Parmi ces activités citées par l’article 6, l’organisation de spectacles publics reste la plus répandue. Il s’agit de l’organisation de spectacles offerts au public dans des salles ou locaux destinés à cet effet dans un but lucratif (théâtre, cinéma, salles de conférences et lieux des manifestations sportives professionnelles).
d – Le transport
La commercialité du transport se base sur le fait qu’il participe à la circulation des richesses, qu’il s’agisse du transport des personnes ou des marchandises.
L’ancien code ne mentionnait que le transport par terre et par eau, ce qui s’explique par le fait que le code qui l’a inspiré datait de 1807, époque où le transport aérien et ferroviaire n’avaient pas encore vu le jour. C’est pourquoi l’art. 6 – 6° s’est contenté de prévoir le «transport » pour englober tous les modes de transport et éviter toute énumération.
SECTION II – LES ACTES DE COMMERCE
Les actes de commerce sont ceux qui ne peuvent être exercés à titre professionnel, et leur pratique, même habituelle, ne confère pas la qualité de commerçant à celui qui en fait usage, néanmoins elle donne lieu à l’application des règles du droit commercial.
Rentrent dans cette catégorie tous les actes mentionnés par le code en dehors des articles 6 et 7, à savoir : les actes de commerce par la forme (art.9), les actes de commerce par accessoire (art.10) et les actes mixtes (art.4).
- I – LES ACTES DE COMMERCE PAR LA FORME
Les actes de commerce par la forme sont des actes qui sont toujours commerciaux quelle que soit la qualité des parties (commerçants ou non commerçants) et quel que soit l’objet de l’opération qui leur donne naissance (commerciale ou civile).
Ces actes sont la lettre de change et les sociétés commerciales (la S.A., la SARL, la société en nom collectif, la société en commandite simple et la société en commandite par actions).
- II – LES ACTES DE COMMERCE PAR ACCESSOIRE
L’article 10 du nouveau code stipule : « sont également réputés actes de commerce, les faits et actes accomplis par le commerçant à l’occasion de son commerce » ; ce sont donc les actes de commerce par accessoire.
Ces actes sont en réalité de nature civile et, lorsqu’ils sont effectués par un commerçant pour les besoins de son commerce, ils acquièrent la qualité d’actes de commerce.
Exemple, le commerçant qui achète un camion pour livrer ses marchandises,
ou du mobilier pour son agence d’affaires ou des machines pour son usine, etc.
Ces actes ne constituent pas l’objet du commerce du commerçant ou son activité, il n’y a pas l’idée d’achat pour revendre. Donc, l’acte d’achat est en lui-même un acte civil, mais qui devient commercial par accessoire à l’activité commerciale du commerçant, on dit qu’il est commercial par accessoire.
Signalons enfin que l’article 9 de la loi 53/95 a attribué au tribunal de commerce la compétence pour connaître de l’ensemble du litige commercial qui comporte un objet civil et, donc, des actes de commerce par accessoire.
- III – LES ACTES MIXTES
Ce sont des actes qui sont commerciaux pour une partie et civils pour l’autre. Exemple : un consommateur qui achète des produits ou de la marchandise chez un commerçant ; cet acte a une double qualité : il est civil pour le consommateur et commercial pour le commerçant.
C’est le cas pour toutes les ventes au détail ou ventes à la consommation :
l’acte est commercial pour le vendeur et civil pour le consommateur.
Devant le silence du code de 1913, c’est la jurisprudence qui a toujours décidé des règles à appliquer aux actes mixtes avant que le code de 1996 n’y consacre une règle générale par son article 4 qui dispose que «lorsque l’acte est commercial pour un contractant et civil pour l’autre, les règles du droit commercial s’appliquent à la partie pour qui l’acte est commercial ; elles ne peuvent être opposées à la partie pour qui l’acte est civil sauf disposition spéciale contraire ».
SECTION III – LE REGIME JURIDIQUE DU DOMAINE COMMERCIAL
Étudier le régime juridique des activités commerciales revient à relever leurs particularités par rapport aux activités civiles. Ces particularités diffèrent tant en ce qui concerne les règles de fond que les règles de forme.
- I – LES PARTICULARITES DES REGLES DE FOND
Les particularités des règles de droit commercial dans ce domaine sont diverses. A ce niveau de notre étude, on dégagera seulement certaines règles générales du droit commercial qui se distinguent de celles du droit civil, notamment :
1°/ La capacité
Les règles de la capacité en matière commerciale se distinguent fondamentalement de celles du droit civil.
Pour exercer le commerce, le mineur ne doit pas seulement être émancipé, mais aussi être autorisé à faire le commerce.
2°/ La solidarité
Il y a solidarité entre les débiteurs lorsque chacun d’eux est personnellement tenu de la totalité de la dette. Face à plusieurs débiteurs d’une même dette, le créancier a le choix de réclamer à chacun d’eux, individuellement ou collectivement, le paiement de la totalité de la dette.
En droit commun, c’est-à-dire dans les contrats civils «la solidarité entre les débiteurs ne se présume pas » (art. 164 D.O.C.), elle doit être expressément stipulée dans le contrat.
Mais en matière commerciale la solidarité est de droit : l’article 335 du code 1996 dispose : « en matière commerciale la solidarité se présume » (V. aussi art. 165 D.O.C.). Par conséquent, et contrairement au droit civil, pour écarter l’application de la solidarité entre les commerçants une clause spéciale doit être stipulée dans le contrat.
- II – LES PARTICULARITES DES REGLES DE FORME
Les règles de forme sont celles qui gouvernent l’organisation judiciaire, le fonctionnement de la justice, les actes de procédure, le déroulement du procès, la preuve, les décisions judiciaires, les recours, etc. Les règles du droit commercial se distinguent aussi dans ce domaine par rapport à celles du droit civil à bien des égards.
1°/ La compétence judiciaire
Avec la création des tribunaux de commerce, les conflits commerciaux sont désormais de la compétence de ces derniers à condition, bien entendu, que le montant du litige dépasse 20 000 dh.
2°/ La preuve
En droit civil, la règle en matière de preuve est clairement exprimée par l’article 443 D.O.C. qui exige la preuve par écrit pour toute demande en justice qui dépasse la somme de 10 000 dh7.
En droit commercial, le principe est la liberté de la preuve. C’est-à-dire que dans les affaires qui opposent les commerçants, il n’est pas nécessaire d’établir la preuve par écrit (article 334 du code 1996).
Cependant, si une disposition législative ou une clause conventionnelle l’exige, la preuve doit être rapportée par écrit, par exemple la loi exige un écrit en matière de vente et de nantissement du fonds de commerce, des contrats de sociétés commerciales, des effets de commerce, etc.
7 Dahir du 30 novembre 2007 portant promulgation de la loi 53/05 relative à l’échange électronique de données juridiques. B.O. 5584 du 6/12/2007, p. 1357
3°/ Le redressement et la liquidation judiciaires
Ces procédures sont particulières au droit commercial. Elles ont remplacé la procédure de la faillite prévue par l’ancien code de commerce. Elles constituent une garantie qui a pour but de protéger les créanciers contre leurs débiteurs commerçants défaillants.
Lorsque la cessation de paiement du commerçant est dûment constatée, ses créanciers doivent engager à son égard une procédure collective ; ils ne peuvent poursuivre le débiteur de manière individuelle. Ils doivent se grouper dans leur action et se faire représenter par un syndic. Tout d’abord, une procédure de redressement est tentée et, en cas d’échec, il est procédé soit à la cession (vente de l’entreprise), soit à la liquidation des biens du commerçant.
Par contre, un non commerçant qui refuse de payer ses dettes, ne peut être assujetti à ces procédures collectives, il est déclaré en état de déconfiture. Chaque créancier exerce son action de manière individuelle. Celui qui l’assignera en paiement le premier, sera payé en priorité, après avoir exercé ses droits sur le patrimoine du débiteur (c’est pourquoi on parle dans ce domaine du prix de la course).
Telles sont les données sur les activités commerciales et les actes de commerce qui constituent dans le nouveau code de commerce l’objet du droit commercial. Partant de ces données, il nous est possible de porter l’analyse sur le sujet du droit commercial.
CHAPITRE II – LE SUJET DU DROIT COMMERCIAL
Si les activités commerciales et les actes de commerce constituent l’objet du droit commercial, le commerçant reste le sujet de ce droit.
SECTION I – DEFINITION DU COMMERÇANT
La définition du commerçant résulte expressément de l’article 6 du nouveau code qui stipule que, sous réserve des conditions relatives à la publicité au registre du commerce, la qualité de commerçant s’acquiert par l’exercice habituel ou professionnel des activités commerciales.
Toutefois cette condition est insuffisante pour définir le commerçant, une autre condition s’impose, à savoir l’exercice des activités commerciales pour son propre compte.
- I – L’EXERCICE HABITUEL OU PROFESSIONNEL DES ACTIVITÉS COMMERCIALES
S’agissant des sociétés, rappelons que certaines sociétés sont commerciales par la forme, quelle que soit leur activité civile ou commerciale.
En ce qui concerne les personnes physiques, nous avons déjà eu l’occasion de voir que le commerçant est celui qui exerce les activités commerciales, mais de manière habituelle ou professionnelle.
Qu’est-ce que l’habitude et qu’est-ce que la profession ?
– L’habitude : veut dire une répétition régulière de l’activité commerciale, autrement dit, l’exercice par entreprise des activités de l’article 6 ; en conséquence, l’exercice occasionnel de ces activités ne peut plus qualifier un commerçant. D’ailleurs, il ne faut pas oublier la condition supplémentaire de l’article 6 concernant la publicité au registre du commerce.
– La profession : doit consister dans l’exercice d’une activité qui procure le moyen de satisfaire aux besoins de l’existence de celui qui l’exerce.
Celui qui exerce une activité commerciale de manière habituelle doit tirer de cet exercice tout ou une partie importante de ses moyens d’existence.
Encore faut-il qu’il le fasse pour son propre compte.
- II – L’EXERCICE POUR SON PROPRE COMPTE
Il s’agit là d’une règle qui connaît néanmoins des exceptions.
A – LA RÈGLE
La qualité de commerçant s’acquiert en définitif par l’exercice habituel ou professionnel des activités commerciales, mais pour son propre compte. Autrement dit, la règle en la matière est la suivante : celui qui exerce des activités commerciales, même s’il en fait sa profession habituelle, n’est pas un commerçant tant qu’il le fait pour le compte d’autrui.
Le commerce suppose une indépendance totale dans l’exercice de la profession. Il suppose aussi un certain risque : le commerçant peut faire des bénéfices mais il peut aussi subir des pertes ; d’où la règle : tous ceux qui exercent le commerce pour le compte d’une autre personne et ne subissent pas de risque ne sont pas des commerçants.
Rentrent dans cette catégorie les employés, dans la mesure où ils sont subordonnés à leurs employeurs par un contrat de travail et restent indifférents aux risques du commerce, et les mandataires qui ne font que représenter leurs mandants dans le commerce (exemples les représentants de commerce et les dirigeants des sociétés commerciales).
B – LES EXCEPTIONS
Certaines personnes, bien qu’elles agissent pour le compte d’autrui, sont considérées des commerçants alors qu’elles ne remplissent pas la condition d’indépendance corrélative au risque.
a – Les commissionnaires
Nous avons déjà eu l’occasion de voir que le contrat de commission est une sorte de mandat ; à ce titre, le commissionnaire ne devrait pas, en principe, être considéré commerçant puisqu’il est un simple mandataire qui traite pour le compte d’autrui, son commettant.
Nous avons vu aussi que le commissionnaire, à la différence du mandataire, traite en son propre nom. Cependant, ce n’est pas pour cette raison que le commissionnaire est un commerçant, mais parce qu’il exerce une activité commerciale à part entière prévue par l’article 6-9° : la commission.
b – Les prête-noms
Le prête-nom est celui qui prête son nom dans des actes où le véritable cocontractant ne peut ou ne veut pas voir figurer le sien.
C’est donc en apparence seulement que le prête-nom exerce le commerce, c’est en apparence qu’il contracte avec les tiers en son nom et pour son compte alors qu’en réalité, il le fait pour le compte d’autrui ; à ce titre, il ne devrait pas être considéré commerçant.
Pourtant, vu l’importance accordée en droit commercial à la théorie de l’apparence, le prête-nom est, sans hésitation, qualifié commerçant.
SECTION II – LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DU COMMERCE
Un commerçant doit satisfaire aux conditions de la capacité commerciale et aux conditions relatives aux restrictions à l’exercice du commerce.
La liberté du commerce est un principe fondamental de notre droit; il est désormais consacré par la constitution.
Toutefois, cette liberté du commerce est limitée par certaines restrictions.
Le non-respect de ces restrictions est puni, suivant les cas, par des sanctions disciplinaires ou administratives et même, le cas échéant, pénales.
En outre, les opérations commerciales effectuées par le contrevenant sont considérées valables et peuvent le soumettre aux règles du droit commercial, notamment celles relatives aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires.
Cette règle est maintenant consacrée expressément par l’article 11 du code de commerce qui dispose que «toute personne qui, en dépit d’une interdiction, d’une déchéance ou d’une incompatibilité, exerce habituellement une activité commerciale, est réputée commerçant ».
Dans notre droit il existe des restrictions qui concernent les personnes et d’autres qui concernent les activités
- I – LES RESTRICTIONS CONCERNANT LES PERSONNES
A – LES INCOMPATIBILITES
Il arrive que certaines personnes exercent certaines professions, et cela ne les empêche pas d’exercer le commerce en parallèle. Mais cette faculté n’est pas toujours possible, car le législateur estime, pour différentes raisons, que certaines professions sont incompatibles avec l’exercice du commerce, par exemple les médecins, les avocats, les adouls, les notaires, les fonctionnaires, etc.
B – LES DECHEANCES
Les personnes qui ont fait l’objet de certaines condamnations pénales (pour vol, escroquerie, abus de confiance, émission de chèque sans provision, infractions fiscales ou douanières, banqueroute, etc.) ou d’une liquidation judiciaire sont déchues de leur droit d’exercer le commerce.
- 2 – LES RESTRICTIONS CONCERNANT LES ACTIVITES
A – LES INTERDICTIONS
Au titre de cette restriction, le commerçant n’a pas le droit de postuler à l’exercice de certaines activités commerciales :
– lorsque ces activités sont interdites par le législateur : par exemple l’interdiction du commerce de la fausse monnaie (art. 335 C.P.), l’interdiction du commerce lié aux jeux de hasard (art. 282 C.P.), l’interdiction du commerce des objets et images contraires aux mœurs (art. 59 dahir 15/11/1958 formant code de la presse), le commerce des stupéfiants ;
– ou lorsque ces activités constituent un monopole de l’Etat : par exemple la recherche du pétrole et du gaz, l’exploitation et le commerce des phosphates, le transport ferroviaire, etc.
B – LES AUTORISATIONS
Il s’agit de l’interdiction d’exercer certaines activités commerciales sans autorisation préalable des autorités administratives.
En effet, dans certains cas, une autorisation administrative, sous forme d’agrément ou de licence, est nécessaire avant l’ouverture du commerce ou l’exercice de certaines activités commerciales, par exemple :
– la vente des boissons alcooliques (qui est soumise, suivant le cas, à une licence ou à une autorisation),
– les activités cinématographiques (notamment les clubs vidéo soumis à une autorisation du C.C.M.),
– les agences de voyages (qui doivent être autorisées par le ministère du tourisme),
– le transport public des personnes (soumis à des agréments du ministère du transport), etc.9
Dans d’autres cas l’existence de ces autorisations s’explique par des exigences de la profession, par exemple l’ouverture d’une pharmacie nécessite d’être titulaire d’un diplôme de pharmacien, les banques et les sociétés d’assurances doivent être inscrites sur les listes de ces professions, etc.
Il faut ajouter que certaines activités ne peuvent être exercées que par des personnes morales, par exemple les activités bancaires.
SECTION III – LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT
En plus des obligations communes à toutes les entreprises économiques (les obligations sociales, les obligations fiscales…), le commerçant est soumis à des obligations spéciales, les unes nouvelles, les autres traditionnelles.
- 1 – LES OBLIGATIONS NOUVELLES
En effet, dans le but d’assurer un meilleur contrôle fiscal, le code de 1996 a institué de nouvelles obligations à la charge des commerçants, il s’agit de :
– l’obligation pour le commerçant, pour les besoins de son commerce, d’ouvrir un compte dans un établissement bancaire ou dans un centre de chèques postaux (art.18) ;
– et l’obligation de payer par chèque barré ou par virement bancaire, toute opération entre commerçants pour faits de commerce d’une valeur supérieure à 10 000 dhs. L’inobservation de cette règle est passible d’une amende qui ne peut être inférieure à 6% de la valeur payée autrement que par chèque ou virement bancaire ; les deux commerçants, c’est-à-dire le créancier et le débiteur, sont responsables solidairement du paiement de cette amende.
- 2 – LA PUBLICITE AU REGISTRE DE COMMERCE
Le R.C. a pour rôle de faire connaître les commerçants, son objectif est d’organiser une publicité juridique (non commerciale) sur le commerçant ; il fournit aux tiers, qui sont en relation avec le commerçant, des informations relatives à sa situation juridique et à ses activités commerciales.
C’est pour cette raison que le code de commerce a fait du R.C. un document public ; toute personne peut se faire délivrer une copie ou un extrait certifié des inscriptions qui y sont portées ou un certificat attestant l’inexistence d’une inscription ou qu’une inscription a été rayée.
A – LE FONCTIONNEMENT DU R.C.
Comment est-il organisé ? Quelles sont les personnes assujetties à l’immatriculation ? Et quelles sont les différentes inscriptions ?
a – L’organisation du R.C.
Le R.C. est constitué par des registres locaux et un registre central :
Les registres locaux sont actuellement institués au près de chaque tribunal de commerce ou de première instance le cas échéant ; ils sont tenus par le secrétariat- greffe et leur fonctionnement est surveillé par le président du tribunal ou par un juge désigné par lui.
Le registre central du commerce est tenu à l’office de la propriété industrielle à Casablanca. Il a pour but :
– de centraliser toutes les déclarations contenues dans les registres locaux que lui transmettent les secrétaires-greffiers des tribunaux ;
– et de délivrer les certificats relatifs aux inscriptions portées sur le registre.
b – Les personnes assujetties
Toutes les personnes physiques et morales, marocaines ou étrangères exerçant une activité commerciale sur le territoire marocain sont tenues de se faire immatriculer au R.C. du tribunal où est situé leur siège.
B – LES EFFETS DE L’IMMATRICULATION
a – Les effets à l’égard des personnes physiques
Désormais, avec le nouveau code de commerce, toute personne immatriculée au R.C. est présumée avoir la qualité de commerçant.
Néanmoins, cette présomption est simple, c’est-à-dire susceptible de preuve contraire. Ce qui veut dire que l’adversaire en justice d’un commerçant peut prouver que ce dernier n’est pas commerçant.
b – Les effets à l’égard des personnes morales
Dans notre ancienne législation, l’immatriculation au R.C. n’était pas une condition pour l’acquisition de la personnalité morale, une société commerciale jouissait de la personnalité morale dès sa constitution, indépendamment de l’immatriculation au R.C.
Actuellement, avec les nouvelles lois relatives aux sociétés, celles-ci ne
jouissent de la personnalité morale qu’à partir de leur immatriculation au R.C.
- II – LA TENUE D’UNE COMPTABILITÉ
L’utilité de la comptabilité n’est plus aujourd’hui à démontrer, tant dans l’intérêt du commerçant (bonne gestion et moyen de preuve) que de celui des tiers (informations sur la situation du commerçant) ou de l’Etat (contrôle des déclarations fiscales).
La tenue des livres de commerce était réglementée par le code de commerce de 1913, cette réglementation s’est révélée dépassée par l’évolution des pratiques commerciales et comptables.
Pour se mettre à jour par rapport à cette évolution, le législateur a du intervenir par la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants, promulguée par dahir du 25 décembre 199210.
A – LES LIVRES ET DOCUMENTS COMPTABLES
Désormais, notre législation actuelle ne dispense plus aucun commerçant, aussi modeste que soit son commerce, de la tenue de la comptabilité commerciale.
L’article 1er de la loi 9-88 impose en effet à toute personne, physique ou morale, ayant la qualité de commerçant de tenir une comptabilité dans les formes qu’elle prescrit.
Dans ce but trois livres comptables sont obligatoires pour tous les commerçants, à savoir, le livre journal, le grand livre et le ivre d’inventaire. En outre, elle oblige les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 7.500.000 dh d’établir un certain nombre de documents supplémentaires tels que le manuel, l’état des soldes de gestion (l’E.S.G.), le tableau de financement, l’état des informations complémentaires (ETIC) et les états de synthèse annuels (ES).
B – LES RÈGLES RELATIVES À LA TENUE DE LA COMPTABILITÉ ET LEURS SANCTIONS
Analysons d’abord ces règles, ensuite leurs sanctions.
a – Les règles
Afin de veiller sur l’authenticité des écritures comptables et la sincérité des opérations effectuées par les commerçants, l’article 22 de la loi exige que les documents comptables soient établis «sans blanc ni altération d’aucune sorte », c’est-à-dire qu’il est interdit de laisser des blancs susceptibles d’être remplis en cas de besoin ou de biffer des écritures, celles-ci doivent, le cas échéant, tout simplement être rectifiées par d’autres écritures en sens inverse, autrement dit procéder à la contre-passation.
C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que l’article 8 dispose que le livre journal et le livre d’inventaire sont cotés et paraphés sans frais par le greffier du tribunal du siège de l’entreprise. Chaque livre reçoit un numéro répertorié par le greffier sur un registre spécial.
Par ailleurs, l’article 22 exige des commerçants de conserver leurs documents comptables et leurs pièces justificatives pendant 10 ans. L’article 26 du code de commerce les oblige, de son côté, de classer et conserver pendant 10 ans, à partir de leur date, les originaux des correspondances reçues et les copies de celles envoyées.
b – Les sanctions
Les sanctions de ces formalités sont d’ordre fiscal et pénal.
1 – Les sanctions fiscales
Comme les documents comptables servent de base à l’établissement des déclarations fiscales, ils peuvent faire l’objet de vérification de la part des inspecteurs des impôts. Aussi, lorsque ces documents ne respectent pas les normes prescrites par la loi 9-88, l’article 23 de cette dernière laisse la faculté à l’administration des impôts de les rejeter et d’établir une imposition forfaitaire. Elle peut même appliquer, le cas échéant, des sanctions pécuniaires (majorations, indemnités de retard, etc.)
2 – Les sanctions pénales
S’il s’avère que le commerçant a falsifié les livres et documents comptables, il peut, notamment, être poursuivi pour faux en écriture du commerce qui est un délit puni par l’article 357 du code pénal de l’emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 250 à 20 000 dhs.
C – LA PREUVE PAR LES DOCUMENTS COMPTABLES
L’un des intérêts de la tenue de la comptabilité pour le commerçant, et non des moins importants, est qu’elle peut lui servir de preuve à l’égard des autres commerçants.
Par conséquent, en cas de litige entre commerçants à propos de leurs affaires commerciales, chacun peut invoquer ses propres documents comptables pour faire preuve contre l’autre, à condition qu’ils soient régulièrement tenus.
Maintenant que nous avons étudié les activités commerciales et les commerçants, il convient de porter l’analyse sur quelques instruments juridiques qu’utilisent les commerçants à l’occasion de l’exercice de leurs activités et sur les sociétés commerciales.
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